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habileté à s’accommoder aux circonstances et sur le talent, que nous disions tout français, de se « débrouiller? » Par l’expérience, il a paru trop évident qu’il eût mieux valu que nos forteresses fussent préparées à la défense, nos corps d’armée à l’offensive, que nos officiers eussent des cartes de nos frontières et sussent les lire. C’est une règle absolue qu’en toutes sortes d’entreprises on doit laisser au hasard la moindre part, et, quand une institution entend former des professeurs d’histoire et des historiens, elle doit leur fournir les moyens de devenir ce qu’elle veut qu’ils soient. En somme, les élèves historiens ne sont prêts, en sortant de l’Ecole normale, ni pour l’enseignement de l’histoire générale, qu’ils ont apprise en grande hâte, ni pour les recherches sur les temps et les choses difficiles. C’est pour cela que beaucoup, cherchant à se soustraire au service immédiat dans l’Université, sollicitent un congé ou une mission en Angleterre et en Allemagne. Comme des places sont réservées à des élèves sortans dans les écoles d’Athènes et de Rome, ceux qui peuvent les prendre s’en saisissent, et les voilà engagés, non par choix et réflexion, dans les voies de l’histoire ancienne. Certes il ne faut pas se plaindre que l’École normale soit représentée glorieusement dans l’étude de l’antiquité classique et qu’une partie du contingent fourni par elle poursuive les tranchées ouvertes par tant de maîtres illustres dans l’inépuisable carrière du marbre antique; mais il est permis de regretter que, dans une école qui est la pépinière de l’Université de France, les meilleurs parmi les élèves, les vainqueurs des concours d’agrégation, soient sollicités à déserter l’étude de l’histoire de France[1].

L’Ecole des hautes études nous a donné des savans et des critiques. Plus ancienne et déjà vénérable, l’École des chartes a sauvé l’étude de l’histoire de France. Les chartistes ont publié des documens d’une importance capitale. Quelques-uns les ont commentés en étudiant, à ce propos, les plus difficiles questions de l’organisation sociale; d’autres ont écrit l’histoire de grands personnages et, par la même occasion, celle des mœurs et des coutumes à telle ou telle époque; d’autres enfin ont retrouvé les secrets de nos histoires provinciales : quand on voudra se mettre à étudier sérieusement notre

  1. Il n’y a pas de doute que l’école normale se transformera pour monter d’un degré. L’opinion la plus générale, parmi ceux qui ont, comme moi, l’ambition de la voir grandir, paraît être que le concours à l’entrée devrait être fait entre des candidats déjà licenciés ; que, la première année étant employée à l’achèvement de l’éducation littéraire générale, les deux autres devraient l’être à des études spéciales de lettres, d’histoire, de philosophie et de philologie. Viendraient ensuite le séjour aux écoles d’Athènes et de Rome, et les missions à l’étranger, qui pourront être très largement accordées, le jour où les facultés fourniront à l’enseignement secondaire un contingent nombreux et solide.