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bûcher, s’étonneront d’apprendre que le cabinet des baraquemens a deux fenêtres, une cheminée, quatre fauteuils, autant de chaises, une pendule, une grande table, une bibliothèque. Cela donne au professeur aussi l’idée qu’il est chez lui. Il y vient, il y reste volontiers : les étudians frappent à sa porte pour se faire connaître de lui et recevoir ses conseils.

L’enseignement public est toujours donné à tout venant dans les amphithéâtres, et la grande leçon n’est pas supprimée. Il faut qu’elle dure, car elle rend service à tout le monde. Peut-être la présence des étudians au cours public changera-t-elle par l’effet du bon exemple les habitudes et la tenue d’une partie du public ; car un professeur assis en sa chaire de Sorbonne voit des choses singulières pendant qu’il parle. Il ne peut se plaindre que l’on dorme : dormir est le droit des personnes âgées qui écoutent ; mais lire son journal, circuler comme si l’on était chez soi : arriver à tout moment de la leçon, même à la fin, comme si l’on était un amateur spécial et un collectionneur de péroraisons ; paraître sur les hauts degrés de l’amphithéâtre et rester ou partir, suivant que le visage du professeur plaît ou déplaît ; amener un chien avec soi ; quitter sa place et gagner la porte, quand on flaire la fin, pour n’être point pressé à la sortie, comme on fait au théâtre cinq minutes avant la chute du rideau, cela passe la permission, et il serait temps de protéger contre ces inconvenances le professeur et la partie sérieuse et permanente de l’auditoire. Mais les abus et les ridicules ne prouvent rien contre le cours public. Il est une école intellectuelle, largement ouverte, qui entretient dans la société française le goût des choses de l’esprit. Il est utile, nécessaire même au professeur et à l’étudiant, car le professeur a dans le cours privé le sans-façon de l’intimité ; il travaille avec ses élèves en tenue d’ouvrier. Le cours public l’oblige à se contraindre, à exposer, non ses recherches, mais le résultat de ses recherches, à éliminer le détail qui ne vaut que par la contribution apportée à l’ensemble ; à montrer aux étudians qu’après avoir, dans un long travail préparatoire, réuni des matériaux dont on a éprouvé la valeur, il faut les disposer avec art et les dresser en édifice.


III.

Il est peut-être téméraire de rêver de l’avenir d’une institution naissante ; mais cela est permis, quand l’institution a été longtemps désirée et répond à des besoins durables. Représentons-nous donc l’avenir, un avenir lointain, car les effets de causes intellectuelles se produisent lentement.