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encore, est maintenant tout à fait complète. En insistant aujourd’hui sur la valeur purement artistique de ces marbres, nous voulons essayer de dire à notre tour quelle place ils tiennent et quelle lacune ils viennent combler dans l’histoire générale de l’art grec. Ce sera aussi pour nous l’occasion de certains rapprochemens pour lesquels la riche collection des moulages du musée de Berlin pourra nous fournir les secours les plus efficaces.

Outre les deux groupes et les quatre fragmens qui sont exposés dans la rotonde du musée, la longue suite de la Gigantomachie occupe et remplit en ce moment toute la galerie réservée aux collections assyriennes. Une vue à l’aquarelle, prise d’après nature par M. Ch. Wilberg et représentant la ville actuelle de Bergama et les côtes qui la dominent, permet de se rendre un compte exact de la situation de l’Acropole, où ont été exécutées les fouilles. Nous avons pu aussi, grâce à l’obligeance de M. Gonze, pénétrer dans les ateliers de restauration et dans les magasins où l’on a réuni tous les fragmens qu’on a recueillis et dont les moindres ont peu à peu trouvé leur place dans le travail général de restitution auquel préside M. Gonze lui-même, assisté d’artistes italiens qui ont acquis pour cette tâche délicate un flair en quelque sorte divinatoire. La conservation de la plupart de ces fragmens est d’ailleurs remarquable. Enfouis dans le sable, au sommet d’une colline depuis longtemps inhabitée, ils n’ont pas eu, comme à Olympie, à souffrir des dévastations des hommes ou de la nature. Quelques-unes des plaques ayant été tout à fait préservées, laissent même paraître dans son intégrité le travail de l’artiste et semblent sculptées d’hier. Grâce aux indications nombreuses dont on dispose, on serait dès maintenant en mesure de procéder à une restauration complète du temple de Pergame. On possède, en effet, des morceaux de tous les élémens essentiels de l’édifice : colonnes, chapiteaux, corniches, entablemens, etc., avec la connaissance précise de leurs dimensions et de la place qu’ils occupaient; et au lieu de bâtir un nouveau musée pour recevoir tous ces débris, on a même conçu l’heureuse idée de reconstruire le temple lui-même en y intercalant les fragmens qui ont fait partie du monument primitif.

La première nouveauté qu’il convient de signaler dans cet art de Pergame, c’est la disposition même de ce temple de Jupiter dont le plan diffère complètement de celui de tous les temples antiques connus jusqu’ici. L’intervention du sculpteur nous paraît clairement indiquée dans une conception où son œuvre joue un rôle capital et commande la forme architecturale elle-même. Au lieu de reléguer ses figures dans les frontons, à une hauteur où elles n’auraient plus qu’une importance secondaire et purement décorative, suivant le programme qu’avaient partout accepté ses confrères, le sculpteur ici