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ÉTUDES DIPLOMATIQUES

LA PREMIÈRE LUTTE DE FRÉDÉRIC II ET MARIE-THÉRÈSE
D’APRÈS DES DOCUMENS NOUVEAUX



VI[1].

L’EXPÉDITION DE MORAVIE. — LA QUERELLE DES DEUX MARÉCHAUX.


Une bonne fortune arrive rarement seule. Au même moment où une équipée chevaleresque rendait en quelques heures les Français maîtres de Prague, une révolution militaire à Saint-Pétersbourg enlevait en moins de temps encore à Marie-Thérèse son unique amie. A la régente Anne, gouvernant sous le nom du petit tsar Ivan, son fils, et dont les sympathies pour l’Autriche étaient connues, succédait brusquement, le 6 décembre 1741, la princesse Élisabeth, dernière fille du grand Pierre et de la première Catherine. Ce fut l’affaire d’une seule nuit et l’œuvre du vieil esprit russe luttant, comme il le fait encore parfois aujourd’hui, contre l’invasion des mœurs et surtout des fonctionnaires allemands. Informée du mécontentement sourd que causait dans les rangs inférieurs de l’armée l’influence exercée sur la régente par son mari le duc de Brunswick, et surtout par son amant le ministre de Saxe ; mise en relation par d’habiles intermédiaires avec les sous-officiers de la garde qui veillait à la porte du palais, Élisabeth n’eut qu’à s’y présenter un matin, avant le jour, en prononçant le nom de son père, pour que toutes les portes

  1. Voyez la Revue du 15 novembre et du 1er  décembre 1881, du 1er  et du 15 janvier, et du 1er  février 1882.