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l’unique rempart de leur société contre un arbitraire, improbable sans doute, mais cependant possible, le public n’a aucun intérêt à voir modifier une disposition qui est très inoffensive, ainsi que nous l’avons démontré en rappelant quel est, en cette matière, le contrôle incontesté de l’état. Les compagnies n’usent de leur droit que pour réduire, au profit du public, le prix des transports. Quel ministre s’est jamais plaint d’avoir rencontré de leur part résistance ou objection quand il leur a demandé, au nom de l’intérêt général, des modifications de taxes ? En ce moment même, ne se livrent-elles pas, de concert avec l’administration, à l’examen des mesures propres à simplifier les tarifs et à rendre plus faciles et plus économiques les échanges de transports entre les divers réseaux ? Plutôt que de s’arrêter à une vaine chicane d’amour-propre autoritaire, il est préférable que le gouvernement songe à donner suite aux propositions qui lui ont été soumises pour réaliser, par la réduction combinée de l’impôt et du tarif, une diminution de plus de 20 pour 100 dans le prix actuellement payé par les voyageurs et par les marchandises en grande vitesse. Est-il permis d’ajouter que ce dégrèvement paraîtrait à l’immense majorité des électeurs et des citoyens français plus généralement utile que ne le sera l’inauguration de la moitié au moins des lignes nouvelles qui sont promises ?

Parmi les nombreux documens qui ont été consultés dans le cours de cette longue étude, et au moment de conclure, nous relevons, dans un discours prononcé à la chambre des députés le 20 mars 1877 par M. Christophle, ministre des travaux publics, les paroles suivantes :

« J’ai dit qu’écartant la question du rachat, j’avais été amené nécessairement à rechercher s’il n’y avait pas dans le système actuel un modus vivendi, un moyen de concilier toutes choses, d’assurer les droits de l’état, de sauver les compagnies menacées (les Charentes, la Vendée, etc.) et enfin de donner satisfaction aux populations par l’achèvement du réseau. Eh bien ! ma conviction profonde, c’est que le système de 1850 peut encore nous donner cette solution à l’heure actuelle, comme il nous l’a donnée dans les années qui ont précédé. Ce sera sans doute à des conditions nouvelles, et, sur ce point, je me trouve entièrement d’accord avec l’honorable M. Allain-Targé. Oui, le système de 1859 peut nous donner satisfaction ; il nous la donnera nécessairement si. nous voulons encore une fois en user. »

Cette opinion, exprimée si résolument en 1877 par l’ancien ministre des travaux publics, conserve toute son autorité et toute sa force à la veille des décisions à prendre sur la question des chemins de fer en 1882.


C. LAVOLLEE.