Page:Revue des Deux Mondes - 1882 - tome 50.djvu/191

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de séjour dans cette dernière ville, il rentra le 7 juin 1624 dans sa bonne ville de Gênes.

Ce nouveau séjour à Gênes se prolongea deux ans et ne fut interrompu que par un voyage à Palerme sur l’invitation du vice-roi. La peste ayant éclaté en Sicile et le vice-roi succombé l’un des premiers, le peintre, chargé d’exécuter un tableau votif pour obtenir l’intercession de sainte Rosalie, crut prudent de revenir l’achever sur le continent. La longue liste des œuvres qu’il a laissées à Gênes prouve que ces deux années furent pour lui aussi laborieuses qu’heureuses et que ses bonnes fortunes, assez nombreuses si l’on en croit la tradition, ne nuisirent en rien à son activité. Les célèbres portraits équestres du palais Balbi et du palais Brignole, les portraits de l’Enfant bleu et de l’Enfant blanc au palais Durazzo, les portraits de femmes et les tableaux d’histoire disséminés dans diverses collections, montrent le peintre en pleine possession de tous ses moyens. Plus tard, sans doute, il fondra dans une harmonie plus particulière les élémens recueillis chez les divers maîtres. Ses tableaux de Gênes, comme tous ceux qu’il fera pendant longtemps encore et qu’on classe dans sa manière italienne, portent la marque de ses récentes admirations. Ici, on surprend un mouvement de Véronèse ; là, un profil de Dominiquin ; plus rarement, un accent violent de Caravage ; et toujours, le souvenir de l’aisance, de la force, de l’éclat profond de Titien ; car c’était Titien, en définitive, qui devait rester son dernier guide. Si l’on analyse, à partir de ce moment, toutes ses œuvres, on y trouve constamment, dans une proportion variable, suivant l’influence du moment, quelques parties de Titien mêlées aux élémens primitifs qu’il tenait de Rubens et des vieux Flamands. S’il devait brosser dans la suite des morceaux plus personnels, il ne devait pourtant jamais, pour la fierté du dessin, pour la noblesse des allures, pour l’ardeur des expressions, faire des chefs-d’œuvre supérieurs à ceux de Gênes. On comprend son triomphe et l’action immédiate de son talent sur les artistes italiens. Cependant le désir de revoir les siens le reprit au milieu de ses succès. Il quitta Gênes dans les premiers jours de juin 1625, s’arrêta quelques jours à Aix en Provence chez le conseiller Peiresc, avec lequel Rubens était en correspondance, passa à Paris, où il fit le portrait du marchand d’estampes François Langlois, dit Ciartres, gravé sous le titre de l’Homme à la musette, et à la fin de septembre, il était réinstallé à Anvers.


III

Le retour dans sa patrie fut d’abord pour Van Dyck le réveil amer d’un beau rêve. Pendant son absence, son père était mort. François