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de ses galanteries et qui s’attachait au solide. » — Cette aimable Italie, où l’on manque de la tuer à force de danser, lui semble mousse légère à côté de sa bonne Allemagne ? où l’on se grise avec sérieux, où les plus grands seigneurs ont pour « marquer leur passion » aux dames des traits rabelaisiens, où les jeunes couples se « baisent devant tout le monde » à embarrasser les assistans. En lisant tel passage des Mémoires où il est question de nouveaux mariés, on se croirait de nos jours, sur le bateau à vapeur de Bingen à Bonn, ou dans un Stellwagen bavarois.

La princesse Sophie était tout à fait de son pays pour le sens pratique, Elle en donna une preuve supérieure lors de son mariage, en 1658. George-Guillaume, le premier fiancé, avait promis de garder le célibat et cédé ses droits sur le Hanovre à son frère Ernest-Auguste ; c’étaient les conditions auxquelles Ernest-Auguste consentait à épouser à sa place, La princesse Sophie, le marché accepté, s’attacha également à le tenir loyalement et à en tirer tout le parti qu’il comportait. Elle avait été éprise de George-Guillaume ; elle voulut l’être d’Ernest-Auguste et le fut. « J’étais bien sûre de le trouver aimable, écrit-elle, parce que j’étais résolue de l’aimer. » Elle avait le don de diriger son cœur où elle jugeait honnête et utile qu’il allât. Par là elle est digne de toute notre estime. Cela dit, et notre tribut de respect payé sans marchander, nous ajouterons qu’elle possédait peut-être ce don commode d’aimer et de haïr à propos à un trop haut degré. On finit, quoi qu’on en ait, par se défier d’un cœur aussi docile. Une âme moins soumise, pour laquelle on aurait çà et là quelques inquiétudes, édifierait moins, elle attacherait davantage.

L’union avec Ernest-Auguste fut peu heureuse par la faute du mari, jaloux et infidèle, La duchesse ne se jeta point dans les reproches et les larmes. Atteinte au vif, elle s’occupa de sauver au moins du naufrage les biens matériels et mondains. La succession de Hanovre menaçait d’échapper à la branche cadette. Pendant qu’Ernest-Auguste courait les aventures en Italie, George-Guillaume regrettait ses promesses en contemplant les beaux yeux de cette Eléonore d’Olbreuse dont il a été question plus haut. A la fin, il n’y put tenir et manqua à son engagement de célibat. Point tout d’un coup, cependant ; sa belle-sœur veillait ; il épousa par degrés. Le premier contrat de mariage, auquel signèrent le duc Ernest-Auguste de Hanovre et la duchesse Sophie sa femme, fut rédigé par une suivante tenant lieu de notaire. Mlle d’Olbreuse jugea la cérémonie suffisante pour commencer, de quoi l’électrice l’approuve, car, dit-elle, la résolution « était fort honorable pour une personne de sa naissance. » Les efforts de la jeune femme pour faire régulariser sa situation et légitimer ses enfans tiennent une grande place dans les Mémoires. L’électrice défendit les droits des siens avec une aigreur qui subsista après le succès, lorsque son mari fut