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ment sera-t-elle résolue ? Par la guerre ? Non. Le congrès de Genève se réunit. Ses décisions condamnent l’Angleterre, et l’Angleterre se soumet, et religieusement elle exécute les décisions arbitrales du congrès, ces décisions qui courbent son hautain patriotisme aux pieds de ses anciens sujets, devenus ses plus orgueilleux rivaux ; et alors ne serait-ce pas que l’heure est enfin venue du règne de la justice ? ne serait-ce pas que désormais la force ne prime plus le droit ?

Ceux-là peuvent le croire qui se paient de mots et d’illusions. Oui, sans doute, les hommes d’état de l’Angleterre disent bien haut, qu’en acceptant l’arbitrage du congrès, qu’en exécutant ses décisions, ils ne se sont inclinés que devant la justice ; il semble que personne ne pourrait affirmer le contraire, et pourtant ceux dont la prétention est de voir au fond des choses répondent : Non, la justice seule n’a pas triomphé. Non, le droit n’a pas primé la force. C’est au contraire la force et la force seule qui a vaincu ; seulement, et, par un concours de circonstances trop rares dans la vie des peuples, la force était l’auxiliaire de la justice et du droit. Quelle est donc cette force dont ils parlent et de quel côté la voient-ils dans une guerre entre deux adversaires si inégalement armés ? Ils la voient là où elle est réellement, du côté des États-Unis, qui, eux, n’ont point adhéré au premier article de la déclaration sentimentale de 1856, et dont les innombrables corsaires vont s’acharner à la poursuite des flottes marchandes de l’Angleterre. Les escadres anglaises peuvent sillonner l’océan et promener leurs glorieuses couleurs sur tous les points du globe, combien de leur navires de commerce sauveront-elles du danger qui les menace, et, le commerce anglais détruit, que devient la puissance anglaise, que devient l’Angleterre elle-même ?

Les guerres maritimes de l’avenir, — contre l’Angleterre du moins, — pourraient bien être essentiellement une guerre de course. Poursuivons nos recherches.

La guerre de 1870 éclate comme un coup de foudre dans un ciel serein. Les escadres cuirassées françaises sont prêtes. L’escadre d’évolution couvre la Méditerranée et assure le retour en France de notre armée d’Afrique. Une seconde escadre a déjà franchi le Sund et bloque la côte allemande de Kiel à Dantzig ; une troisième enfin part de Brest et menace les provinces littorales de la mer du Nord, acquisition récente de la Prusse. La division cuirassée allemande s’est hâtée vers Wilhemshaven ; elle s’y enferme, bien résolue à ne pas sortir de l’abri de ses défenses incomplètes, improvisées, mais insurmontables ; quant aux quelques navires de guerre épars sur l’océan pour protéger le commerce de la Confédération du Nord, ils renoncent à une mission à laquelle ils se croient inégaux. À l’ancre dans les rades étrangères et couverts des lois de la neutralité, ils