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ennemi ne puisse les atteindre. De Brest à Bayonne, ce port n’existe pas ; il faut donc le créer. Où ? A Rochefort, où seul il est possible.

La tâche que nous nous sommes imposée touche à sa fin. Nous n’avons pas à montrer ici, nous ne dirons pas la possibilité, mais les facilités extrêmes de creuser à ciel ouvert un canal de 9 mètres de profondeur, de 20 kilomètres au maximum, aboutissant, soit de Rochefort à la fosse d’Énet sur la rive droite, soit de Rochefort ou de Soubise à la rade d’Estrées, sur la rive gauche de la Charente, Les études préparatoires ont été faites et bien faites ; les plans ont été dressés, et ce n’est pas la somme fixée par les devis qui a empêché l’exécution des travaux. Qu’est cette somme en comparaison de celles qui ont été dépensées à Kronstadt, à Wilhemshaven, à Chatham ? Non, ce qui a empêché l’exécution de ces travaux, ce sont les idées que la logique même nous a conduit à combattre, et sur lesquelles il nous a paru de notre devoir de faire la vérité.

Il se peut, et nous le craignons, que nous n’ayons pas réussi. Qu’importe ? d’autres réussiront. L’heure de la vérité, comme celle de la justice, est lente à venir ; elle arrive toujours. Mais notre travail ne sera pas inutile, quoi qu’il advienne. Nous croyons, en effet, avoir mis hors de doute l’exactitude des deux propositions qui ont été le point de départ et la base de nos recherches : Nul ne peut dire ce que sera la guerre maritime ; quel sera l’instrument le plus efficace de cette guerre. Dès lors nous dirons, et ce sera notre dernier mot : Le propre du génie est de travailler pour l’avenir. Rien ne prouve que l’avenir qu’a préparé Colbert est épuisé : laissez vivre sa création ; ne touchez pas au port de guerre de Rochefort. Nous dirons : C’est le propre du patriotisme d’assurer le présent, alors que l’avenir est incertain, plein de sombres menaces : ne touchez pas au port de guerre de Rochefort ; êtes-vous sûrs, en effet, que vous n’allez pas détruire une des forces vives qui assurent, nous ne dirons pas la grandeur, mais la sécurité même de notre patrie ; et, comme nous avons foi dans le patriotisme du ministre de la marine, nous avons confiance et nous espérons, et nous croyons que Rochefort sera conservé à l’avenir de la France.


T. AUBE.