Page:Revue des Deux Mondes - 1882 - tome 50.djvu/483

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

serait suivi à Belgrade, que la couronne royale serait bientôt recherchée aussi pour le prince Milan, et c’est ce qui arrivé aujourd’hui. C’est l’assemblée serbe qui a pris naturellement l’initiative de cette transformation, préparée d’ailleurs depuis quelques mois par les négociations diplomatiques. La royauté de Serbie s’est constituée par un vote national, elle est maintenant reconnue à peu près par l’Europe entière qui se fait déjà représenter à Belgrade auprès du chef de ce jeune royaume de l’Orient. Évidemment s’il est une puissance avec qui la Serbie ait dû s’entendre avant tout, dont le concours ait été nécessaire pour conquérir cette couronne désirée, c’est l’Autriche, et à vrai dire le concours de l’Autriche n’est que la suite ou le complément de toute Une politique suivie avec autant d’habileté que de persévérance par les ministres de l’empereur François-Joseph depuis quelques années. Le cabinet de Vienne n’a rien négligé en effet pour se rattacher la principauté serbe, pour la soustraire à l’influence russe, pour éloigner des conseils du prince Milan ceux qui passaient pour recevoir le mot d’ordre de Saint-Pétersbourg. Procédés diplomatiques, moyens économiques, tout a été mis en usage par l’Autriche, qui aurait eu beaucoup à craindre pour ses provinces limitrophes, anciennes ou nouvelles, si la Serbie était restée un foyer de propagande panslaviste, qui a trouvé au contraire une garantie de plus dans une Serbie alliée et amie. Aussi le cabinet de Vienne a-t-il été un des premiers à reconnaître cette jeune royauté avec laquelle il compte garder des rapports utiles, tandis que la Russie, de son côté, a vu sans déplaisir cet agrandissement ou cette consolidation d’un état slave qu’elle à toujours protégé, sur lequel elle ne désespéré pas sans doute de reprendre de l’influence. Quant à l’Allemagne, à l’Angleterre et à la France, elles n’ont d’autre intérêt que de voir ces jeunes états des Balkans se fortifier et devenir les instrumens indépendant de la transformation progressive de l’Orient.

Ces créations monarchiques peuvent sans doute être imaginées en partie pour flatter l’esprit oriental ou pour combler les ambitions des princes. Elles ont après tout cet avantage de pouvoir donner à des états nouveaux plus de dignité et de force pour échapper justement à ces influences dont ils ont eu besoin jusqu’ici, qui n’ont cessé de les assiéger, qui peuvent se livrer encore plus d’une bataille dans leurs conseils. Ils existent aujourd’hui comme le Danemark, comme la Suède, contre la Grèce, comme tous les états qui forment le système européen. Que la Serbie, la Roumanie, devenues à leur tour des royaumes, affranchies des tutelles trop gênantes, s’occupent désormais à faire de leur indépendance Une réalité sérieuse et utile, l’Europe ne peut qu’y trouver son intérêt et sa garantie.


CH. DE MAZADE.