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l’installa même dans le National, « non pas, dit-il, que les principaux rédacteurs en fussent des adhérens ; ils étaient entre eux de philosophies fort diverses, mais ils me laissaient traiter de la mienne à ma guise, non pas une fois, mais couramment et quand l’occasion me paraissait propice. » Depuis 1844, il eut ainsi dans ce journal un cadre réservé pour cette philosophie et comme une tribune ouverte pour la répandre. Nous reviendrons plus tard sur les origines et les transformations de la doctrine positiviste dans cette intelligence à la fois tenace et mobile ; il nous suffira d’indiquer ici la suite de ses publications dans cet ordre de travaux : l’Analyse raisonnée du cours de philosophie positive, en 1845 ; l’Application de la philosophie positive au gouvernement des sociétés, en 1849 ; Conservation, Révolution et Positivisme, en 1852. Tous ces ouvrages sont des collections d’articles, la plupart empruntés au National. En 1859, ce sont les Paroles de philosophie positive ; en 1863, Auguste Comte et la philosophie positive ; en 1876, les Fragmens de philosophie positive et de sociologie contemporaine. Depuis 1867, il avait fondé et dirigeait, avec M. Wyroubof, la Revue de philosophie positive, qui fut, dans les dernières années de sa vie, l’unique organe de ses idées.

Cette nomenclature imposante de travaux philosophiques aurait de quoi remplir une longue vie et satisfaire à une grande activité. Mais pendant qu’il développait concurremment ses études sur l’histoire de la médecine avec ses travaux de propagande et de discussion en faveur de la philosophie positive, sur une troisième ligne s’étendait parallèlement dans le Journal des savans, dans le Journal des Débats et ans la Revue des Deux Mondes, une série d’articles sur de tout autres sujets, des études d’histoire et de critique littéraire, de philologie comparée et de linguistique, qui formèrent plusieurs volumes, l’Histoire de la langue française (titre un peu ambitieux pour des fragmens, et regretté par l’auteur lui-même), Littérature et Histoire (1875), les Barbares et le Moyen Âge, la traduction de l’Enfer de Dante en langue d’oïl du XIVe siècle et en vers (1879) ; enfin les Études et Glanures (1880). C’est à l’occasion de ses travaux académiques que, sans l’avoir prévu, il se trouva engagé un jour dans l’étude du vieux français, où il devait acquérir une si grande autorité. Nommé dès 1839 membre de l’Académie des inscriptions et belles-lettres, il avait été choisi, quelque temps après, pour remplir la place de M. Fauriel dans la commission chargée de continuer l’Histoire littéraire de la France. Il se dévoua à cette tâche nouvelle avec cette obstination qui ne connut jamais ni l’obstacle ni la fatigue, et sentit s’éveiller en lui des instincts qu’il ignorait ; il devint par ce côté jusque-là