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dans l’exercice qui précède immédiatement celui dont il s’agit, on prend pour base les recettes de l’avant-dernier exercice. La plus value devrait être le gain d’une année sur l’autre; dans les procédés de comptabilité jusqu’ici suivis, la plus-value est le gain de deux années; l’apparence est donc double de la réalité. A lire les tableaux mensuels ou trimestriels que publie l’administration des finances, les esprits superficiels, — et il est permis de penser qu’il s’en rencontre dans notre parlement, — croiraient que le produit des impôts s’accroît de 200 ou 230 millions par an, tandis qu’il n’augmente que de la moitié de cette somme. Cette illusion, entretenue par les statistiques, contribue beaucoup à susciter la prodigalité.

M. Léon Say propose une réforme, que nous demandons, quant à nous, depuis plusieurs années; c’est d’établir les évaluations de recettes du budget de 1883, non pas d’après les recettes de l’exercice 1881, mais d’après les recettes de 1882. On peut faire une objection, c’est qu’on ignore encore au juste quelles seront les recettes de 1882 qui est l’année en cours au moment où l’on discute le budget de 1883. Pour arriver empiriquement à déterminer les recettes approximatives de 1882, M. Léon Say propose de se servir des chiffres connus de l’exercice 1881 et d’y ajouter la plus-value normale d’une seule année, calculée sur la moyenne des plus-values des trois dernières années. Ce procédé nous paraît bon; il constitue une règle fixe qui pourra être suivie pour tous les budgets postérieurs. Nos budgets auront ainsi plus de réalité, plus de sincérité ; ils seront moins éloignés des faits ; les cadres en seront plus fixes, et ce sera un grand avantage. Il semble au premier abord singulier qu’on propose, comme moyen d’arrêter le développement des dépenses, une évaluation plus forte des recettes. Il n’y a pas là, cependant, de contradiction ; c’est par les crédits supplémentaires que la prodigalité se manifeste ; ce sont les plus-values qui suscitent les crédits supplémentaires. Or l’évaluation plus forte et plus exacte à la fois des recettes primitives du budget ramènera les plus-values à leurs proportions réelles, c’est-à-dire à des limites restreintes, et découragera les auteurs habituels de propositions de crédits supplémentaires. Le ministre des finances en aura aussi plus de force pour résister aux entraînemens de la chambre. Nulle part, d’ailleurs, au monde, on ne suit pour l’évaluation des recettes le système tout à fait factice et décevant qu’on a adopté chez nous. Mais n’est-il pas à craindre, dira-t-on, qu’avec ce relèvement des prévisions de recettes, les déficits deviennent plus fréquens si quelque accident vient à réduire les plus-values? Nous ne l’appréhendons pas. Pour que les évaluations des recettes du budget de 1883, calculées d’après celles de 1882, ne fussent pas réalisées, il faudrait que des circonstances défavorables vinssent faire disparaître d’une