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de 1819, ne peut nous laisser à cet égard aucun doute. Attentif à toutes les productions de l’esprit public, il attendait avec impatience et lisait avec une sympathie sans réserve le journal qu’avaient fondé à Paris de jeunes et courageux libéraux. C’était une des joies de ce temps que l’arrivée d’un numéro du Globe, apportant au milieu des tristesses de la politique et de l’indifférence d’une société un peu engourdie, l’écho des préoccupations les plus graves, faisant parvenir au fond des départemens ce que pensaient sur la littérature, les arts et l’économie sociale, de jeunes et vigoureux esprits, tout animés du souffle de la philosophie spiritualiste, tels que MM. Jouffroy, Duchâtel, Vitet, Duvergier de Hauranne. De loin, l’avocat de Bordeaux voulut s’associer à leur œuvre, et dans un temps où les moindres sacrifices étaient méritoires, celui qui devait être le collègue et l’ami des rédacteurs vint en aide à leur entreprise.

Il se préparait de la sorte aux premières crises de sa vie politique. Ce fut en 1827 que, tout d’un coup, M. Dufaure prit à Bordeaux le rang que les événemens devaient lui donner dans la vie. Jusque-là, on pouvait le deviner ; à partir de ce moment, il n’y eut plus de doute sur l’avenir qui lui était réservé. Deux journaux, l’Indicateur, rédigé par Henri Fonfrède, et le Mémorial, étaient poursuivis pour avoir attaqué M. de Peyronnet. Quoique d’opinion différente, les journalistes choisirent à la fois M. Dufaure pour défenseur. Le 20 janvier 1827, il les défendit devant la police correctionnelle. La lucidité de sa discussion frappa tout d’abord l’assistance, mais la péroraison excita des transports unanimes : contrairement à toutes les prévisions, les prévenus furent acquittés.

La joie des libéraux se transforma en enthousiasme pour l’orateur qui venait de se révéler. On avait entendu à Bordeaux des voix éloquentes, mais on ne soupçonnait pas la puissance d’une émotion contenue qui remuait les auditeurs et les entraînait plus fortement que les grands mouvemens oratoires. « En ce genre, répétaient ceux qui sortaient de l’audience, il n’a eu ni modèle ni exemple. » La satisfaction des partis politiques fut bien dépassée par les sentimens qui éclatèrent à Vizelles quand, plusieurs jours après le succès, on reçut les journaux qui en contenaient le récit. « Je les conserverai à jamais, écrit M. Dufaure. Ce sont des titres bien plus précieux qu’un vieux parchemin rongé de vers. » Quelque temps après, une autre joie était réservée au père de famille. Le hasard le mettait en présence du procureur du roi de Bordeaux sur le bateau à vapeur de Royan. En quelques mots, ce magistrat lui peignait la situation que Jules Dufaure occupait à cette époque : « La première fois qu’il plaida devant M. Ravez, dit-il, sa cause ne roulait que sur des chiffres ; le premier président dit en sortant de l’audience : « Ce