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cire, — sans parler d’une Barlet, d’une Samary ou d’une Tholer, — vêtus de costumes authentiques et naguère portés par les modèles ! Joie innocente assurément; je consens que l’admiration aille jusqu’à la badauderie, pourvu toutefois qu’elle n’aille pas à gâter ses objets. Tout à l’heure on me racontait que, dans un théâtre, où se répète une pièce imitée de Shakspeare, comme l’auteur, un jeune homme, accablé de conseils par un des acteurs, en témoignait son impatience, l’artiste s’écria : « Vous êtes bien heureux, monsieur, qu’un homme tel que moi vous donne des leçons de théâtre, à vous, un débutant; » et le débutant répondit : « Ce que vous blâmez est de Shakspeare, qui connaissait le théâtre aussi bien que vous ; ce n’était pas un simple auteur : il jouait la comédie! » Le cas n’a rien d’extraordinaire, et l’écrivain, pour se défendre, n’a pas toujours l’autorité d’un comédien comme Shakspeare. Nous sommes ravis que les acteurs occupent le monde de leurs talent et même de leur personne; nous demandons seulement qu’ils laissent aux auteurs la licence d’écrire des pièces.

Le théâtre, aujourd’hui, tient une grande place dans nos pensées, et, naturellement, la Comédie-Française, qui offre le plus parfait exemplaire de théâtre. A merveille ! De cette perfection les sociétaires viennent de nous donner un nouveau document. Je les en remercie de tout mon cœur, et je félicite les gens habiles qui leur en ont fourni l’occasion. Qu’il me soit permis seulement d’espérer que ce succès ne corrompra personne, et que ni M. Perrin, ni M. Got, ni M. Coquelin, ni M. Worms, les vainqueurs du jour, ne s’avanceront dans la voie où ils ont rencontré cette victoire jusqu’à souhaiter des ouvrages pareils à des libretti de ballet, dont le principal avantage soit de ne gêner ni le chorégraphe ni les danseuses, j’entends le metteur en scène ni les comédiens : nous réclamons un peu de musique, j’entends de littérature et de drame.


LOUIS GANDERAX.