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de notre époque par une réduction arbitraire du prix de fermage; il nous permet surtout d’en apprécier les difficultés extérieures résultant de la concurrence américaine.

Les fermiers du Nouveau-Monde ont sur les nôtres ce premier avantage que, ayant devant eux une surface de terre illimitée, ils ne choisissent probablement que les meilleures, et c’est sur leur rendement qu’ils peuvent calculer leur prix de revient. Mais s’ils n’ont que peu ou point de rente à payer, ils ont, en revanche, à compter sur les frais de transport et de commission nécessaires pour envoyer leurs denrées lutter sur les marchés européens.

La moindre distance qu’elles aient à parcourir est de 8,000 kilomètres par voie de mer entre New-York et le Havre et de 3,000 kilomètres par voie de terre intérieure pour les états du centre, le Kansas, par exemple. En comptant sur un fret de 3/4 de centime par voie de mer, de 1 centime 1/2 par voie de terre, le transport d’une tonne ne saurait coûter moins de 90 francs, soit un peu plus de 7 francs par hectolitre de blé, devant représenter la prime dont jouit en fait notre production agricole au port de déchargement, ou, en d’autres termes, la rente proportionnelle dont les terres similaires aux terres américaines devraient jouir chez nous, si les autres frais de production étaient les mêmes dans les deux pays. Rapportée à une production moyenne de 25 à 30 hectolitres à l’hectare, la rente que pourraient payer nos fermiers serait de 175 à 200 francs par an, ce qui est un chiffre au moins égal et peut-être supérieur à celui de nos meilleurs sols.

La concurrence ne deviendrait réellement ruineuse pour les fermiers de nos bonnes terres que si les colons américains pouvaient, à qualité de sol égale, produire à meilleur marché qu’eux. C’est à ce point de vue surtout que la question mériterait d’être étudiée et qu’on doit regretter que nous ne puissions le plus souvent nous prononcer que sur des renseignemens très vagues, émanant de personnes qui, pas plus que celui qui écrit ces lignes, n’ont vu les choses sur les lieux.

Nous n’avons pas à faire intervenir ici l’épuisement du sol, sur lequel je me réserve de revenir plus loin, puisque nous ne comparons que des terres similaires supposées des deux parts de première qualité, pouvant produire 25 à 30 hectolitres de blé à l’hectare, résultat qui est obtenu dans les bons sols de nos provinces voisines de la Manche, plus particulièrement exposées à la concurrence, et qui ne paraît être dépassé nulle part en Amérique.

Les élémens de comparaison devraient porter surtout sur les frais généraux et particuliers de la culture. La main-d’œuvre, directement payée à l’ouvrier, est incontestablement plus élevée en Amérique