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cultures plus perfectionnées pouvant alimenter directement la population et utiliser tout au moins les surfaces des clairières réservées aux pare-feux.

Mais à ces considérations secondaires, qui suffiraient pour justifier l’emploi partiel des alluvions artificielles dans les Landes, vient s’en joindre une bien plus importante : la nécessité de mettre notre culture nationale en position de lutter victorieusement contre la concurrence étrangère. L’exemple des Américains nous prouve que, dans un pays neuf, sous un climat convenable, où la terre vierge est à vil prix, en dépit de la rareté du personnel agricole, de la cherté relative de la main-d’œuvre, il est possible d’obtenir des produits agricoles, bestiaux ou céréales, à des prix rémunérateurs, bien que très inférieurs à ceux de nos marchés. Ce que les agriculteurs américains et australiens ont su réaliser si vite sur leurs territoires, hier déserts, aujourd’hui couverts de riches moissons et d’innombrables troupeaux, nous saurions le faire aussi bien qu’eux si nous nous trouvions dans les mêmes conditions; si nous pouvions pratiquer la culture extensive en grand, sur de vastes étendues de terrains vierges et fertiles, libres de toute entrave de morcellement arbitraire et d’un minime prix d’achat. Or, ces conditions, il dépend de nous de les réaliser, de prime abord sur les landes de Gascogne, qui présentent une superficie de plus d’un million d’hectares, et plus tard sur bien d’autres régions analogues de notre territoire, aujourd’hui incultes et stériles et qui pourraient être facilement fécondées par l’emploi des alluvions artificielles.

Dans l’état actuel, la terre des Landes ne vaut pas couramment plus de 60 à 100 francs l’hectare de fond, non compris la valeur variable du bois qui en recouvre la majeure partie. Les frais de colmatage, comme on le verra tout à l’heure, ne sauraient dépasser 100 francs. Faudrait-il augmenter ces chiffres, les doubler, les quadrupler au besoin? Le prix du sol amendé se trouverait-il porté à 1,000 francs qu’il se trouverait encore bien plus avantageux que ne doit l’être au producteur américain le sol qui peut lui être livré, serait-ce tout à fait gratuitement, ce qui n’est pas, dans les vallées du Mississipi ou de la Plata, en admettant toutefois que les conditions de fertilité initiale et de climat seront à peu près les mêmes.

Au point de vue du climat, tout l’avantage est pour nous. Personne, en effet, n’ignore combien, sur l’Atlantique, les rives orientales de l’Océan l’emportent par l’égalité de la température sur les rives occidentales sous une même latitude. D’une part, le climat tempéré de nos côtes de France, rafraîchi par des ondées fréquentes à l’abri des grandes chaleurs de l’été aussi bien que des grands froids de l’hiver; de l’autre, le climat des États-Unis, de New-York par exemple, où les fleuves restent gelés pendant plusieurs mois