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domaine que l’ancien régime, peu soucieux du bien populaire, a livré à toute une caste de privilégiés. Il y a là une question de principe, de doctrine démocratique, et une question d’état. En outre, les compagnies méritent d’être dépossédées, parce qu’elles ont mésusé de leurs concessions, et il n’y aurait pas lieu de conclure soit avec elles, soit avec d’autres, de nouveaux contrats, parce que les vices d’organisation, les préjudices causés au public, sont inhérens au système. L’administration des compagnies est nécessairement dominée par le sentiment du lucre ; elle subordonne à l’intérêt de ses actionnaires l’intérêt du pays ; elle pratique, dans ses tarifs, l’inégalité et l’arbitraire. Entre les différentes compagnies les règlemens et les prix de transport présentent des variations qui embarrassent l’industrie et le commerce et qui suscitent des plaintes incessantes. Ces inconvéniens disparaîtraient si l’état était substitué aux compagnies, le gouvernement étant responsable de l’exploitation devant les chambres et la législation pouvant se plier à toute heure aux changemens conseillés par l’expérience ou réclamés par des besoins nouveaux. Ce système est, du reste, appliqué partiellement en Belgique, en Allemagne, en Italie, etc… le rachat des compagnies françaises est prévu dans. Les. actes de concession. La république ne ferait donc que suivre un exemple et user d’un droit en procédant à cette opération, et le moment actuel est d’autant plus opportun que l’exécution du plan de M. de Freycinet doit ajouter au réseau plusieurs milliers de kilomètres dont la future exploitation n’est point encore réglée. On liquiderait les concessions du passé, et l’on organiserait l’ensemble du réseau présent et à venir sous la direction impartiale et vigilante de l’état. Quant au prix du rachat, tel qu’il a été éventuellement fixé dans les actes et concessions, il serait payé sans causer trop d’embarras au trésor ; les obligations des compagnies, qui forment la plus grosse part du capital des chemins de fer, seraient remplacées par des titres semblables émis par l’état (la rente 3 pour 100 amortissable a été créée à cette intention) ; les porteurs d’obligations accepteraient avec empressement cette substitution de débiteur. Enfin, les produits de l’exploitation permettraient au trésor de couvrir les dépenses annuelles, y compris l’amortissement du rachat, tout en améliorant le service et en réduisant les tarifs ; car on ne doute pas qu’une administration toute-puissante, homogène, comme serait celle de l’état, ne fût en mesure de réaliser des économies et de supprimer des abus coûteux ; le produit de ces économies et de ces réformes amènerait une diminution correspondante des frais de transport. Telle est, en raccourci, la thèse que soutiennent les partisans du. rachat des concessions.

Il convient, toutefois, de signaler un amendement de pure forme que recommande une fraction importante des défenseurs de cette