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soumis plusieurs fois à des épreuves semblables et n’a été sauvé que par miracle. La soif est un supplice qu’on ne peut connaître en Europe. Cette soif qui vous colle la langue au palais, qui vous empêche d’articuler une parole, ceux-là seuls l’ont éprouvée qui, sous un soleil de plomb, ont traversé des déserts à perte de vue sans eau, sans arbres ni rochers et sans un seul être vivant, déserts qu’il suffit cependant de quelques jours de pluie pour couvrir parfois d’une végétation luxuriante.

Malgré les chaleurs écrasantes du jour, il arrive fréquemment que l’eau contenue dans des vases en plein air se congèle pendant la nuit, parce que la sécheresse de l’atmosphère est telle que l’évaporation se fait assez rapidement pour amener un abaissement considérable de température. C’est un phénomène analogue à celui de la congélation de l’eau obtenue par le vide opéré sous une cloche pneumatique. Cette sécheresse toutefois n’est que relative, car l’atmosphère contient encore en suspension une grande quantité d’humidité, ainsi que le prouve l’accumulation de nuages que provoque instantanément un abaissement accidentel de température. Mais ces nuages se dissipent le plus souvent avec la cause qui les a produits, comme la vapeur qui s’échappe de la cheminée d’une locomotive, et le ciel reprend sa sérénité. Quand ils se résolvent en pluies, c’est par cataractes et en causant les plus grands ravages. C’est ainsi qu’en 1867, Port-Elisabeth fut victime d’une inondation qui sapa les fondemens des maisons et les fit écrouler ; un cyclone avait, dans son mouvement giratoire, entraîné dans les régions élevées de l’atmosphère les vapeurs qui, sous l’influence d’une température plus basse, se précipitèrent en pluie avec une telle violence que, dans l’espace de six heures, il en tomba une hauteur de 6 pouces 1/2 avec accompagnement de tonnerre. Sur plusieurs rivières, les ponts furent emportés, et, sur un grand nombre de points, les plaines furent couvertes d’eau. En 1869, la ville du Cap fut également inondée et éprouva de grands désastres ; en 1871, ce fut le tour de la province Victoria ; un déluge s’abattit sur un village, entraîna les bestiaux, détruisit les maisons et fit périr un grand nombre d’habitans ; les années suivantes, d’autres localités furent atteintes.

Toute cette eau qui tombe instantanément, souvent accompagnée de grêlons de la grosseur d’un œuf de poule (on en a même vu de la grosseur de la tête d’un enfant), est suspendue dans l’atmosphère avant même l’apparition d’un seul nuage et ne se précipite que par la lutte des courans opposés. Elle serait pour le pays une véritable bénédiction si elle se répandait peu à peu à divers intervalles, tandis qu’elle n’est qu’une cause de désastres et de calamités en se déversant d’un seul coup précédée et suivie de longues sécheresses.