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l’église, utilité et augmentation de notre religion. » On voit ici, exprimée avec la plus grande netteté, une pensée qui traverse pour ainsi dire toute l’histoire de la monarchie française, qui fut suivie avec une rare ténacité, par les princes de l’église, qui, poursuivie par Henri IV, par Richelieu, par Mazarin, par Louis XIV, ne parvint pourtant jamais à trouver son expression définitive et matérielle dans le tracé des frontières françaises. Henri II, un précurseur presque inconscient de la politique de ses successeurs, fut très heureux en somme dans ses entreprises ; il donna à la France les Trois-Evêchés, Toul, Verdun, Metz ; il reprit Calais aux Anglais. Catherine, bien qu’Italienne, ne pouvait pas rester indifférente à de tels événemens ; elle comptait les fleurons de la couronne de ses enfans.

Elle était à Châlons, au mois de mai 1552, et informait le cardinal de Bourbon des mouvemens du roi en Alsace. Henri II avait été tourner ses armes du côté du Rhin ; Catherine faisait métier de « munitionnaire » et s’en vantait dans ses lettres à « son compère M. le connestable. » Elle n’a qu’une demi-confiance en Maurice de Saxe. « Le duc Maurice a escrit au roy depuis son arrivée en son camp et suis bien de votre advis qu’il ne faut plus croire en paroles, mais en effets qui ne scauroient estre, venant de ce personnage-là… Il faut que je vous dise, mon compère, que je ne veux plus penser à luy, mais seulement à la reine de Hongrie. » Maurice de Saxe avait été le protégé. Elle correspond beaucoup à cette époque avec le connétable et avec la duchesse de Guise ; elle est presque humble avec le connétable ; à la duchesse elle écrit en lui parlant de son mari : « Plust à Dieu que je fusse aussi byen avecques le mien ! » Elle se montra véritablement reine au lendemain du terrible désastre de Saint-Quentin. Le roi était à Compiègne quand la défaite du connétable de Montmorency jeta la terreur dans Paris. Seule, Catherine se rendit au parlement en grande pompe, et exposa le danger du royaume. Elle demanda un subside de 300,000 livres, qui fut immédiatement voté.

La guerre entre la France et Charles-Quint avait peu à peu dévié de son but primitif. Henri II avait commencé par prendre le titre de protecteur des libertés de l’Allemagne ; les princes allemands s’étaient engagés par traité avec lui à « résister aux pratiques de l’empereur employées à faire tomber leur chère patrie en une bestiale, insupportable et perpétuelle servitude, comme il a été fait en Espagne. » En 1559, le traité de Cateau-Cambrésis donna une fille de Henri II au successeur de Charles-Quint, une autre au duc de Savoie. La France garda seulement les Trois-Evêchés et Calais. Le mariage d’Elisabeth de France avec le roi d’Espagne remplit de joie le cœur de Catherine : trois reines conduisirent la jeune princesse au