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au président de la république je ne sais quel président ou quel roi, de substituer à l’assemblée nationale, à l’assemblée législative, je ne sais quelle autre forme de pouvoir législatif. Permettez-moi de le dire, lorsque j’entends ces propos qui sont des propos communs dans la société, je me crois dans ce temps malheureux mêlé de violences et de faiblesses qui a séparé le 9 thermidor du 18 brumaire. C’est là un état dans lequel il n’est pas bon qu’un pays vive longtemps. » (7 février 1849.) La dissolution et les élections furent fixées au mois de mai.

Pendant les derniers mois de l’assemblée constituante, M. Dufaure ne voulut monter à la tribune que pour s’occuper des travaux publics. Il retrouvait là avec ses préférences personnelles le moyen de combattre les souffrances des classes ouvrières. À ceux qui voulaient réduire de 47 millions le budget des travaux publics il jetait cette parole : « Je demande à ceux qui veulent refuser le crédit s’ils aiment mieux payer les 47 millions en aumônes qu’en salaires. » Cette heureuse concision d’une pensée vraie détermina le vote. À son gré, la société qui avait dû refuser le droit au travail était rigoureusement obligée de multiplier partout les travaux utiles et de demander au budget, dans les années malheureuses, d’aller jusqu’aux derniers sacrifices.

Les élections eurent lieu le 22 mai. La réaction contre les troubles de l’année 1848 se prononçait de plus en plus. La majorité de la nouvelle assemblée arrivait à Paris exaspérée contre l’anarchie et résolue à maintenir l’ordre dans la rue et à le rétablir dans les esprits. Le pouvoir se trouvait déplacé : les agitateurs tenteraient peut-être encore des coups de main, mais c’étaient les impatiences de la droite qu’il faudrait avant peu maîtriser. Dans la mêlée électorale, M. Dufaure avait reçu un double mandat : pendant que la Charente-Inférieure le plaçait en tête de sa liste, Paris, qui avait fait le même jour les meilleurs et les pires choix, l’avait élu le septième. En province comme dans le département de la Seine, les électeurs avaient compris avec quelle force il saurait défendre la société menacée. Dès la réunion de l’assemblée, M. Odilon Barrot, qui avait tenu tête depuis cinq mois avec un grand courage au parti avancé, donna sa démission avec le ministère qu’il présidait. Après une vaine tentative pour former un cabinet de droite, le président de la république dut le rappeler ; M. Barrot fit ses conditions : il exigeait que MM. Dufaure, de Tocqueville et Lanjuinais entrassent dans le ministère. Après de vives objections, le président dut céder ; mais quand il apprit que M. Dufaure prendrait le portefeuille de l’intérieur, ses antipathies se réveillèrent. Dans une lettre écrite sur-le-champ à M. Barrot, il avoue ses défiances : « Il faut choisir des hommes dévoués à ma personne même, depuis les préfets jusqu’aux