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285 voix contre 258, qu’aucune mesure relative à l’église d’Irlande ne serait satisfaisante et définitive si elle ne contenait pas le principe de la sécularisation de l’excédent. Le lendemain Peel donna sa démission. Le ministre était tombé, mais l’homme avait grandi. Ces quelques mois de pouvoir, malgré une défaite prévue par tout le monde, n’avaient donc pas été inutiles.

Par suite, le cabinet Melbourne rentra aux affaires peu de mois après en être sorti. Ce n’était plus que l’ombre du grand ministère qui avait fait la réforme électorale, l’abolition de l’esclavage, la réglementation du travail des enfans dans les manufactures. Ses mutilations successives lui avaient enlevé ce qu’il avait de meilleur. Avec Grey, il avait perdu sa pensée dirigeante ; avec Althorp, sa conscience ; avec Brougham et Stanley, sa supériorité oratoire. La question des dîmes irlandaises n’était toujours pas résolue. Le parti libéral, lord John Russell en tête, avait pris l’engagement de séculariser une partie des revenus de l’église d’Irlande. Or cette sécularisation, réclamée par une faible majorité dans la chambre des communes, était combattue par une grosse majorité dans la chambre des lords. Deux ans de suite, en 1835 et en 1836, le cabinet libéral vint se heurter contre le même écueil. Deux ans de suite, le bill sur les dîmes irlandaises, avec la clause d’appropriation, fut voté par les communes et repoussé par les lords. Même opposition de la chambre haute sur toutes les questions qui touchaient à l’administration de l’Irlande. Voulait-on améliorer dans un sens libéral les institutions municipales de l’Irlande comme on l’avait fait pour celles de l’Angleterre et de l’Ecosse, la chambre des lords s’y opposait, voulait-on établir en Irlande une loi pour le soulagement des pauvres analogue à celle qui existait en Angleterre depuis longtemps et à laquelle le sage Althorp avait apporté récemment d’heureuses modifications, on se heurtait encore à la résistance de la chambre des lords. Il est vrai de dire que le cabinet Melbourne ne faisait rien pour calmer ce mauvais vouloir. Sa politique irlandaise ne s’inspirait que d’une seule préoccupation : s’assurer l’alliance d’O’Connell et les voix de son petit bataillon dans la chambre des communes. Sous l’empire de cette préoccupation, le vice-roi, lord Normanby, n’était plus que l’exécuteur des volontés d’O’Connell. Les catholiques, après avoir été si longtemps opprimés, devenaient oppresseurs à leur tour. Les protestans, atteints dans leur influence, lésés dans leurs intérêts, menacés même parfois dans leur sécurité personnelle, se plaignaient amèrement du gouvernement de Normanby. Une recrudescence de crimes contre les personnes s’étant produite en Irlande, on en rendit responsable la faiblesse du gouvernement. De là, parmi les protestans et dans le parti conservateur, une irritation