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Cumberland. » L’idée de présenter Peel et Wellington comme des conspirateurs ténébreux était d’un grotesque achevé. Quant au sanguinaire Cumberland, c’était le roi Ernest de Hanovre, oncle de la reine et son hérite présomptif. Il est parfaitement, vrai que son avènement au trône aurait été un grand malheur pour l’Angleterre ; mais ce n’aurait pas été un grand bonheur pour les chefs du parti conservateur, Ernest de Hanovre était un tory tellement arriéré qu’il n’aurait jamais voulu de Peel et de Wellington pour ministres ; il les regardait comme deux révolutionnaires.

Les craintes, dont. Feargus O’Connor s’était fait l’écho forent bientôt dissipées de la manière la plus heureuse. La reine se maria ; elle eut des enfans, elle en eut même beaucoup, et toute crainte de voir arriver au trône « le sanguinaire Cumberland » se trouva écartée. Le mariage de la reine facilita aussi la solution de l’importante question des dames de la maison. Le prince Albert était un homme de grand sens qui, en devenant le mari de la reine, se donna pour rôle d’être son conseiller politique intime et en quelque sorte son ministre sans portefeuille. L’affection qu’il lui inspirait facilita sa tâche. Il n’eut pas de peine à lui faire comprendre que la prétention de Peel, dont elle avait été si fort choquée, n’avait rien que de légitime. Elle l’autorisa à faire savoir confidentiellement à cet homme d’état que le jour où il serait appelé de nouveau à prendre le pouvoir, il ne se heurterait plus à la même difficulté. Pendant ce temps, le cabinet Melbourne continuait à vivre ou plutôt à végéter. Peel ne se hâtait pas de le renverser. Il l’aida même à faire passer quelques mesures, notamment une loi sur les élections municipales d’Irlande, qui avait été précédemment repoussée. C’était une question embarrassante qui se trouvait réglée et dont le futur cabinet, conservateur n’aurait pas à s’occuper. Les tories exaltés blâmaient la politique de temporisation, de Peel, qu’ils taxaient de faible ; plus d’une fois ils avaient essayé de s’affranchir de sa direction. Quiconque ne veut pas se laisser conduire par la queue de son parti est exposé à des accusations semblables. Peel laissa dire, et attendît patiemment son heure. Enfin, quand il vit l’opinion publique définitivement lasse du mauvais gouvernement des whigs, de leur faiblesse parlementaire, de leur incapacité administrative et financière, il n’eut qu’un mot à dire, un geste à faire pour jeter bas ses faibles adversaires. Le 27 juin 1841, à propos d’une proposition sur l’importation des grains, sans combattre la mesure en elle-même, Peel posa simplement à la chambre la question de savoir si, oui ou non, elle avait encore confiance dans le ministère. La chambre, par trois cent douze voix contre trois cent onze, répondît qu’elle n’avait pas confiance. La majorité n’était que d’une voix. Le cabinet en appela de la chambre au pays ; mais la