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s’éveille, et c’est ainsi que l’art, miroir fidèle des faits contemporains, tient une si grande place dans l’histoire de l’humanité.


La commission d’organisation n’a entendu excepter aucune branche des arts mineurs, et le catalogue ne comprenait pas moins de dix-huit classes d’objets, depuis l’orfèvrerie, les métaux précieux, joyaux, bronzes, céramiques, meubles, tissus et broderies, etc., jusqu’aux manuscrits enluminés. Puisque l’exposition était nationale, c’était dire que toutes les industries qui forment l’ensemble de l’art ornemental et décoratif ont été pratiquées dans le pays. Si le fait est acquis pour l’Espagne, il est moins évident pour le Portugal, et c’était, pour ceux qui s’occupent de ces questions, le principal attrait de cette exposition.

Il fallait bien s’attendre cependant à quelque infraction à la première condition du programme ; où est d’ailleurs la ligne de démarcation entre les objets portugais d’origine et ceux faits par des étrangers pour le Portugal ? Comment pourrait-on regretter l’intervention inattendue, dans une exposition réservée à l’art portugais, de beaux bas-reliefs grecs, nobles épaves de quelque temple antique, recueillies par un ancêtre du duc de Loulé ? Les chefs-d’œuvre de sculpture de la renaissance italienne, allemande et française sous forme de marbres, de terres cuites, de bas-reliefs en pierre lithographique, d’émaux de Limoges et de majoliques de Pesaro et d’ Urbino envoyés par les souverains du Portugal et le duc de Palmella, s’ils figuraient là comme des « intrus, » avaient du moins le mérite d’y rappeler que la mesure, le calme, l’harmonie, la raison, doivent présider à la disposition des sujets et à la répartition des motifs ornementaux, et que les artistes sont tenus de garder une juste mesure jusque dans leurs fantaisies les plus audacieuses.

Nous avions donc là, en somme, après avoir fait le travail nécessaire d’élimination des beaux objets que nous venons de citer, des spécimens de tout ce qui représente les arts mineurs du Portugal sous toutes leurs formes, et nous aurions dû pouvoir juger la production nationale dans son ensemble et aussi dans la série des temps, puisque l’exposition rétrospective embrassait plus de dix siècles écoulés. On ne s’était cependant pas assez placé au point de vue de l’enseignement qui pouvait résulter d’un tel effort pour les progrès de l’industrie nationale, et on ne lisait clairement, dans la succession des objets présentés, ni la chronologie, ni la progression. L’idée qui devait tout dominer, celle qui, après tout, était la seule raison d’être de cette exposition, l’idée d’art national, ne se dégageait pas assez de l’ensemble. En ne la perdant jamais de vue, en la mettant toujours en relief, par série d’objets et par époques, on eût