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la campagne couverte d’or comme une châsse et qui, sur ses vêtemens toujours sombres, entasse une profusion de bijoux tels que les Conceptions de dimension démesurée, les grands cœurs d’or de filigrane, les larges croix pectorales, le voyageur s’arrête charmé en reconnaissant là un des derniers traits du caractère national.

On aurait pu enfin réclamer d’une façon générale un classement chronologique rigoureux, et il eût fallu écarter résolument beaucoup de spécimens de céramique de l’extrême Orient qui n’avaient pas là leur raison d’être. Puisqu’on en était arrivé peu à peu à admettre la peinture, représentée dans les salles du palais de Pombal par des panneaux qui offraient un très vif intérêt pour nous à cause du problème qu’ils offrent à ceux qui s’occupent de l’histoire de l’art, il fallait rapprocher les types, les coordonner et nous présenter la série, depuis le milieu du XVe siècle jusqu’au XVIIIe Tous les élémens étaient là ; il s’agissait simplement d’une disposition à prendre. Pour nous résumer en somme, nous demandions un peu plus de critique et quelques légendes explicatives. On comprendra qu’ici l’intérêt de l’art seul nous guide et que nous ne voulons simplement qu’indiquer les dispositions qui eussent rendu le résultat plus fécond pour l’instruction de tous. C’était là, sans doute, le but qu’on se proposait en décrétant l’exposition.

Le fait qui ressort de cette manifestation et l’idée générale qui s’affirme, c’est la supériorité de l’orfèvre portugais au point de vue de la technique de son métier ; c’est là l’impression dominante, l’intérêt réel, et peut-être aussi l’excès de cette exhibition où l’orfèvrerie religieuse tenait une place considérable. L’exécution de ces objets, réservés au culte, étant soumise à des formules, à des canons déterminés, non-seulement par la tradition, mais par des règles écrites, les mêmes symboles et les mêmes formes se représentent souvent, cette uniformité devient vite un sujet de fatigue pour ceux des visiteurs qui ne voient pas de différences essentielles dans ces styles et ne lisent point clairement la succession des époques dans les transformations. Chacun comprendra que, quand un peuple a subi des vicissitudes politiques et a été la victime de fléaux terribles comme ceux qui ont ravagé le Portugal ; quand, du roi Diniz au marquis de Pombal, on a vu dix fois la terre s’entr’ouvrir pour engloutir les générations, détruire leur œuvre successive, tarir les sources de la richesse nationale et condamner un peuple à recommencer chaque siècle l’œuvre du siècle précédent, le seul faisceau qui reste à peu près intact, la seule puissance qui soit debout, la seule prospérité enfin qui puisse résister à tant de coups répétés, c’est celle qui s’appelle légion, celle qui puise sa force dans l’association religieuse, dont la patrie est partout et nulle part, et qui a pour devise :