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ou plutôt au-dessus des divisions de sectes et de partis, fasse tous ses efforts pour conjurer ou pour atténuer le danger de ces divisions, en offrant aux familles, sans les leur imposer, les garanties d’une éducation vraiment nationale.

M. Bréal nous enseigne, comment une telle éducation est conçue en Allemagne. Il n’en dissimule pas les défauts et il nous fait ainsi mieux comprendre sur quelles bases il conviendrait de l’établir en France.

L’éducation, dans l’enseignement allemand, repose sur trois bases : la religion, le patriotisme et la foi dans les droits et la mission de l’état. La religion, dans la plupart des gymnases, a un caractère piétiste très prononcé. Elle est étroite, intolérante, pleine de morgue. L’enseignement religieux, tel qu’il subsiste encore dans nos lycées, est préservé de tels excès par la neutralité théologique, aujourd’hui pleinement reconnue, que le principe laïque de notre société impose à l’instruction publique. L’Université de France s’en remet, pour cet enseignement, aux ministres des différens cultes, suivant le vœu des familles ; mais elle n’abdique pas le droit de maintenir et de fortifier entre ses élèves le lien moral de certaines idées religieuses communes à tous les cultes. Ce lien, s’ajoutant aux enseignemens particuliers des diverses religions et les remplaçant quand ils sont absens, peut, si nous savons le conserver, nous assurer le bénéfice d’une éducation nationale, vraiment morale et vraiment religieuse, sans les défauts que M. Bréal, a justement signalés dans l’éducation allemande. Sans doute ces leçons de morale et de religion, données au nom d’une philosophie spiritualiste, n’affectent et ne doivent affecter aucune raideur dogmatique. Elles se prêtent à toutes les nuances de cette « libre philosophie, » qu’a si bien définie un des maîtres les plus aimés de l’Université, M. Bersot, Elles ne sont qu’un appel de la raison à la raison et elles supposent de part et d’autre un assentiment réfléchi et librement obtenu. Du jour ou les doctrines spiritualistes seraient professées par ordre, sans l’accent d’une conviction sincère, elles seraient sans action sur de jeunes esprits ; elles seraient ébranlées d’avance au profit d’un scepticisme précoce, par les procédés mêmes d’exposition et de discussion qu’elles ne peuvent se dispenser d’employer. Elles offrent donc, sous ce rapport, une base fragile pour l’instruction morale de la jeunesse, puisqu’elles sont à la merci de toutes les fluctuations qui peuvent se produire, soit dans les programmes officiels, soit dans les dispositions du corps enseignant. Ce n’est pas moins, dans l’état actuel de la société, la seule base possible pour une éducation commune. Il faut respecter les efforts consciencieux qui peuvent être faits pour remplacer les enseignemens spiritualistes par une philosophie plus solide ou plus