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Mexique, dont il était déjà malade, avant le ministère Ollivier, dont 3 est mort. La république s'est mis sur les bras un duel avec la plus haute puissance morale qui soit dans le monde. On ne prétend pas qu'elle y périra violemment, mais on est fondé à penser qu'elle pourrait bien à la longue s'y user, et peut-être, à ce point de vue, ne sera-t-il pas sans intérêt d'étudier la première phase de cette lutte et d'en marquer avec quelque précision L'état présent.


II

Lorsqu'en 1801 Bonaparte, « après avoir fait la paix avec toutes les puissances de la terre, » entreprit de réconcilier la république avec l'église, de tous les obstacles qu'il eut à surmonter dans cette négociation épineuse, celui qui l'arrêta le plus longtemps fut la difficulté de convenir d'un protocole qui constituât un acte de déférence de la nation et du gouvernement français envers le saint-père sans être en même temps un acte de contrition et d'humilité. Le concordat n'était acceptable et ne pouvait, on le comprend, avoir d’utilité que si les deux parties contractantes en sortaient entières, c'est-à-dire sans avoir rien abdiqué, l'une des principes essentiels sur lesquels repose la société religieuse, l'autre des droits et libertés de la société civile. Il y avait là, des deux côtés, une situation très délicate, des répugnances et des scrupules fort légitimes. En un point surtout le désaccord était grand : le cardinal Consalvi voulait que les mots de religion d'état, ou tout au moins ceux de religion dominante, figurassent dans l'instrument et que le premier consul s'engageât à professer publiquement le culte catholique. A quoi Bonaparte répondait, par l'organe du fameux abbé Bernier, son négociateur, que le gouvernement, en tant que gouvernement, ne saurait professer une religion ni surtout proclamer cette religion dominante ou d'état sans alarmer les autres cultes et sans, par conséquent, sortir de son rôle. Posé dans ces termes, le problème était insoluble, et le débat, qui durait déjà depuis plusieurs mois, menaçait de s'éterniser, au grand détriment de la paix publique. On ne pouvait le terminer que par un compromis. Mais ce compromis, qui en prendrait l'initiative et quelle expression lui donner ? Le premier consul, un beau matin, fit venir à la Malmaison l’abbé Bernier et lui dicta ce qui suit : « Le gouvernement, reconnaissant que la religion catholique est la religion de la grande majorité des Français ; le pape, de son côté, reconnaissant que cette religion a retiré et attend encore dans ce moment le plus grand Ken du rétablissement du culte catholique en France et de la profession particulière qu'en font les consuls de la république, etc. »

La formule était trouvée et, du coup, le but atteint, la paix signée.