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répression, la force. Ajoutez à ces deux facteurs une série de mesures destinées à « reprendre au clergé les avantages que lui a successivement concédés la faiblesse des gouvernemens, » — encore la théorie des frontières naturelles, — et vous aurez une idée fort exacte de l’esprit qui anime ce projet et du but que poursuit l’auteur. Au reste, pour plus de clarté, voyons rapidement le dispositif.

L’article 1er règle à nouveau les conditions de la procédure d’abus. Jusqu’ici les desservans et les vicaires avaient été considérés par la jurisprudence comme rentrant dans la catégorie des ecclésiastiques justiciables du conseil d’état. A l’avenir, les vicaires et les desservans ne relèveraient plus, suivant les cas, que des tribunaux ordinaires ou du pouvoir discrétionnaire du ministre.

Les articles 2, 3, 4 et 5 ont pour but précisément d’établir ce pouvoir discrétionnaire et de l’armer, au moyen d’un système de pénalités aussi variées qu’ingénieuses : privation, par simple arrêté ministériel, de tout ou partie du traitement, retrait des avantages concédés aux curés par l’article 72 de la loi organique du concordat (c’est-à-dire des presbytères), amendes de 100 à 300 francs et de 500 à 1,000 francs, « suivant la nature et le degré de criminalité » des cas. En d’autres termes, et pour parler franc, l’administration substituée à la justice, prononçant à huis-clos et sans débat contradictoire des condamnations afflictives, tenant en permanence suspendue sur la tête du clergé la menace de la confiscation et, par là, le courbant sous son joug, l’asservissant à ses desseins : voilà très manifestement la pensée qui se dégage de cet ensemble de dispositions.

Mais ce n’est pas tout : après les personnes les établissemens ecclésiastiques, tels que menses épiscopales, curiales, fabriques, petits séminaires et caisses de retraites pour les prêtres âgés ou infirmes. Ces établissemens, M. Paul Bert n’entend pas les supprimer tous, oh ! non ; la pensée lui en est bien venue, mais il a reculé devant le caractère particulièrement odieux d’une mesure qui eût indistinctement frappé des institutions ou des maisons vieilles déjà de plus d’un demi-siècle. Il se contenterait pour celles-ci d’en réduire le nombre, pour les autres « de limiter leur capacité civile à leurs attributions et de les soumettre aux règles générales de la comptabilité publique. » Traduisez : à l’avenir, les fabriques et les menses épiscopales n’auront plus le droit de disposer de leurs ressources, soit pour entretenir une école, soit pour fonder un bureau de bienfaisance ou toute autre œuvre de charité, et leurs dépenses seront contrôlées par l’état, toujours sans doute en vertu de son droit de reprises.

Les articles 12 et suivans visent une autre catégorie d’établissemens, ou plutôt d’immeubles appartenant, les uns à des