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avec dignité le drapeau de la France… » Il n’y a que quelques jours, une interpellation nouvelle s’est produite, et si M. le président du cabinet n’a pas précisément désavoué ce qu’il avait dit il y a un mois, il a mis un zèle si fougueux à restreindre la défense de cette « influence prépondérante » de la France dont il avait parlé, à repousser toute idée d’intervention, à se retrancher à l’abri du concert européen, qu’il a fait souffrir quelque peu l’amour-propre national. Il a eu le chaleureux appui de ceux qui ont peur d’une action extérieure quelconque et aussi de ceux qui ont craint de voir M. Gambetta retrouver quelque popularité par ses hardiesses ; en réalité, il n’a que médiocrement réussi à déguiser les déconvenues, les mécomptes d’une diplomatie embarrassée et évasive.

Ainsi, en peu de temps, la politique française, représentée par plusieurs ministres successifs, passe par toutes les phases. Elle commence par les illusions ; elle se flatte d’exercer une « influence prépondérante, » de maintenir pour la France une « position privilégiée. » Elle essaie de lier partie avec l’Angleterre pour résoudre la question par l’autorité des deux puissances, par des démonstrations diplomatiques ou navales sans le secours de la Turquie et de l’Europe. Il n’y a pas plus d’un mois, elle répète encore par l’organe de M. le président du conseil que les autres puissances « ne font aucune difficulté d’abandonner aux deux cabinets de Londres et de Paris la direction de la politique » en Égypte, que « dans la solution de la question égyptienne l’avis de la France et de l’Angleterre, d’accord entre elles, devra prévaloir… » Il est trop clair qu’on n’en est plus là. On se trouve ramené de position en position à une sorte d’expectative impuissante et, pendant que cette retraite s’accomplit, les événemens suivent leur cours sans nous, peut-être contre nous. La révolution égyptienne, qu’on a cru intimider ou dominer, reste plus que jamais menaçante. L’intervention turque, qu’on se promettait d’abord d’exclure, qu’on a réussi un moment à détourner, il y a quelques mois, se réalise aujourd’hui sans contestation. La conférence européenne, dont on aurait voulu pouvoir se passer, devient une dernière ressource pour les politiques dans l’embarras. Tout cela, il faut l’avouer, ne ressemble point à un succès, à l’attestation victorieuse d’une « position privilégiée. »

Oui sans doute, M. Gambetta, avec ses velléités d’action, pouvait aller trop loin et se laisser emporter trop aisément par des témérités d’imagination. Il risquait de lancer la France dans une inextricable aventure où n’auraient pas tardé peut-être à se trouver compromis tous les intérêts de notre pays. Soit ! En revanche, M. de Freycinet, pour mieux se distinguer peut-être de M. Gambetta, s’efface un peu trop aujourd’hui ; il paraît trop facilement résigné à ce qu’il ne peut pas empêcher. M. le président du conseil va quelquefois lui-même un