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à corps. Alexandre commence par déployer en avant de ses troupes un rideau d’archers à cheval : ce sont ses tirailleurs ; ils occuperont l’attention des Indiens et lui donneront le temps de ranger son armée en bon ordre. L’aile droite se compose de l’agéma et de la cavalerie de Clitus ; le centre comprend les hypaspistes, les Agriens et les hétaïres à pied ; l’aile gauche est formée par les cavaliers de Perdiccas. Les archers flanquent les deux ailes. C’est dans cet ordre qui menace tout le front ennemi à la fois qu’Alexandre s’avance. La gauche des Indiens lui paraît offrir un point faible ; il l’aborde résolument avec la cavalerie de l’aile droite. Qu’il réussisse à y pratiquer seulement une fissure, l’épée de ses cavaliers en aura bientôt fait une brèche ! Mais, à son approche, le point faible est soudainement devenu le point fort ; les barbares s’y sont rassemblés avec une agilité merveilleuse. On les voit sauter tout armés de char en char et courir sur ces parapets brisés, comme ils pourraient le faire sur le terre-plein uni d’un rempart. L’attaque serait infailliblement repoussée ; Alexandre y renonce et la cavalerie se replie après s’être bornée à lancer de loin ses javelots. Le roi court alors à la phalange : voilà le bélier qui doit renverser les murailles de bois. Alexandre a mis pied à terre, les piques sont tombées en arrêt, la phalange marche droit aux chars. La première enceinte ne l’a pas arrêtée un instant ; du seul poids de sa masse, elle a bouleverse la fragile barrière, mais son élan vient expirer au pied du second obstacle. Il lui faut maintenant soutenir une lutte acharnée pour arriver à trancher les liens qui font de ce nouveau rang de voitures une barricade compacte. Le premier char qui céda livra passage à la vague ; toute la phalange se répandit par cette ouverture dans l’étroite arène. Il y eut là un affreux massacre. Quinte Curce, le plus modéré dans ses chiffres, évalue à huit mille hommes le nombre des barbares qui tombèrent sous le fer des hypaspistes ; le reste de la troupe ennemie n’essaya même pas de défendre la troisième enceinte ; il se réfugia éperdu dans la ville.

Nous possédions sur la guerre du Pendjab des détails beaucoup plus précis que sur aucune autre des campagnes d’Alexandre. Ptolémée prit à cette expédition laborieuse une part assez active pour que nous ne nous étonnions pas de le voir se complaire à nous en transmettre les moindres détails. Le siège de Sangala n’ajouta rien à la gloire de Cratère, d’Éphestron, de Cœnus, retenus par des poursuites diverses dans les districts du nord ; il fournit au contraire à Ptolémée l’occasion de prouver ce qu’on pouvait attendre des aptitudes précoces de ces jeunes lieutenans qu’Alexandre prenait un plaisir presque paternel à former. Justin remarque avec raison que jamais la Macédoine ni aucun autre pays n’avait produit tant de grands hommes à la fois. Telle fut de tout temps l’influence