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REVUE MUSICALE

Ce théâtre de l’Opéra-Comique, vous savez à quel état d’abaissement nous le vîmes réduit il y a quelques années. Eh bien ! allez maintenant vous y promener par un beau soir des Noces de Figaro ou de Joseph et vous m’en direz des nouvelles. Ce que peuvent pourtant l’initiative et la volonté d’un chef habile ! Où les autres n’ont connu que la ruine il crée la vie et l’abondance, taille en plein dans le neuf et dans le vieux, évoque, suscite, se recueille et se disperse, en un mot, travaille si bien que la veine qu’on croyait perdue à jamais se retrouve. Les malveillans s’écrient : « C’est un faiseur ! » Oui, faiseur de troupes, aptitude singulière d’un homme que tous s’entêtent à n’envisager que par le côté de la chance et de la fortune quand c’est, au contraire, sur sa capacité qu’il faudrait insister. À cette heure que les directions de théâtre jusqu’alors les mieux pourvues voient leurs ensembles se désagréger, il réussit, lui, à se procurer une troupe excellente ; que dis-je ? une troupe, il en a deux : la troupe d’opéra comique proprement dit, M. Taskin, M. Fugère, M. Bertin, M. Nicod, Mlle Ducasse, pour jouer le répertoire courant, et la troupe lyrique pour chanter Mozart et Méhul : M. Talazac, Mme Carvalho, Mme Vauchelet, Mlle Van Zandt, Mlle Isaac, une âme et une voix, la première aujourd’hui parmi les jeunes et qui déjà serait à l’Opéra si M. Vaucorbeil, toujours hésitant, avait eu la main plus prompte à l’engager, et M. Carvalho la main moins adroite à la retenir.

La reprise des Noces de Figaro, la reprise de Joseph, dans ces conditions, sont deux coups de maître et bien frappés pour rabattre la fougue des prétendus docteurs en wagnérisme. A Dieu ne plaise que je veuille ici déprécier l’art moderne ! il est un fait pourtant contre lequel vous et moi ne pouvons rien ; les productions du jour manquent absolument d’attrait sur le public ; il s’ennuie aux ouvrages nouveaux et court aux vieilleries. Galante Aventure s’est jouée environ trente fois devant une salle médiocrement garnie, tandis qu’on faisait le lendemain avec Haydée des recettes de 8,000 francs. Notez que ces profits du répertoire