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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.




14 juillet.

Voici un peu plus de quarante ans que ces affaires d’Egypte, qui viennent de reprendre une gravité singulière, remuaient pendant quelques mois, à pareille date, l’Europe tout entière et mettaient un moment en jeu la paix universelle. Entre le passé et le présent, entre 1840 et 1882, bien des événemens se sont accomplis sans doute. Une grande création, le canal de Suez, a donné une importance de plus à cette partie du monde oriental devenue le grand chemin du commerce des nations. Les intérêts de toute sorte se sont développés, fixés ou transformés dans la vallée du Nil. L’Egypte elle-même a passé par bien des phases diverses, comme les puissances qui l’ont protégée, pour lesquelles elle a été un objet incessant de diplomatie. Toutes les conditions internationales se sont étrangement modifiées depuis l’échauffourée européenne de 1840. De cette époque cependant il est toujours resté quelque chose, ne fût-ce que le principe des arrangemens généraux qui ont consacré l’état légal de la vice-royauté du Nil, cette semi-indépendance admise désormais par le droit public. Il est resté aussi le souvenir d’une crise avec laquelle la crise d’aujourd’hui n’est peut-être pas sans d’intimes analogies, où l’Egypte n’était que l’occasion et le prétexte d’une mêlée d’influences toutes prêtes un instant à s’entre-choquer à l’occident comme à l’orient.

La situation était certes grave. Alors régnait à Alexandrie et au Caire un arnaute plein de génie qui avait réussi à s’emparer de l’Egypte, qui l’avait organisée, qui s’était fait une position de vassal émancipé vis-à-vis du sultan et qui, avec les forces créées par lui, tenait à sa merci l’armée turque vaincue à Nezib, l’existence même de l’empire ottoman. L’ambition croissante de Méhémet-Ali pouvait d’un instant à l’autre