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: Oh ! puissé-je m’unir au chœur invisible
: De ces morts immortels qui vivent encore,
: En des vies que rend meilleures leur présence !
: Vivre ainsi, c’est le ciel !….
: C’est produire dans le monde une harmonie qui ne meurt pas,
: Où respire l’ordre merveilleux qui règle,
: Avec un pouvoir grandissant, le progrès de l’humanité.
: Puissions-nous recevoir en héritage cette douce pureté,
: Pour laquelle nous avons combattu, gémi, agonisé,
: Les yeux perdus dans le vaste passé qui n’enfanta que le désespoir !
: Notre être, ainsi meilleur, vivra, jusqu’à ce que le temps humain
: Ait fermé sa paupière, et que les cieux humains
: Soient repliés, comme un rouleau, dans la tombe,
: Où nul jamais ne les lira. C’est la vie à venir,
: Qu’ont rendue pour nous plus glorieuse ces martyrs
: Dont nous tâchons de suivre les pas. Puissé-je atteindre
: Ces cieux très purs ! Être pour d’autres âmes
: Le calice de vaillance en quelque grande agonie,
: Allumer de généreuses ardeurs, nourrir de purs amours,
: Engendrer des sourires exempts de cruauté,
: Être la douce présence du bien partout diffus,
: Et dans sa diffusion toujours plus intense !
: Ainsi je m’unirais à ce chœur invisible
: Dont l’harmonie est la joie du monde.


C’est là qu’on peut prendre la plus haute idée que le positivisme se soit faite de la vie, la plus haute, mais assurément la plus vague. En effet, que faut-il chercher sous les formes de ce poème sociologique ? C’est une habitude singulière et à certains points de vue fâcheuse chez les sectateurs de ces nouvelles philosophies que de garder l’ancien langage religieux et de le transporter dans un ensemble d’idées auquel il s’étonne d’être adapté. Il résulte de cette adaptation parfois violente que la série des mois n’est plus qu’une série de métaphores qui doivent être expliquées, si l’on ne veut pas induire en erreur les âmes naïves. Il faut avoir la clé de ce symbolisme pour pénétrer dans la pensée qu’il recèle. M. Littré, vers la fin de sa vie, après avoir été le témoin attristé des abus commis en ce genre par M. Comte, déclarait « qu’il n’était plus aussi disposé qu’il l’était jadis à employer en un sens de philosophie positive les termes consacrés dans le langage des croyans théologiques. » Mais la tendance existe dans l’école, lui-même y a cédé plus d’une fois, et nulle part elle n’a pris plus de développement que dans les effusions poétiques d’Elliot. Qu’y a-t-il donc sous l’expression mystique de ces joies et de ces espérances ? Qu’est-ce que ce chœur invisible de ces morts immortels et comment peut-on s’unir à eux en des vies que leur présence rend meilleures, et dont on peut dire que vivre ainsi, c’est le ciel ? Si l’on y regarde sérieusement, tout