Page:Revue des Deux Mondes - 1882 - tome 52.djvu/517

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

refuse même de l’appeler une Cause. Son mystère me couvre de son ombre, mais demeure un mystère, et les formes objectives que d’autres essaient de lui approprier ne font que le travestir et le profaner[1]. » Mais alors qu’est-ce donc que cette divine communion dont il nous parlait tout à l’heure ? C’est un mot absolument vide de sens.

Il ne peut y avoir de communion ni entre deux objets matériels, ni entre un homme vivant et un corps inanimé, ni entre un esprit et une chose. La communion implique des deux côtés l’existence de quelque chose de commun. Or que peut-il y avoir de commun entre le docteur Tyndall et les cieux étoilés ? Parler de communion avec la nature, quand on est plus ou moins positiviste, c’est tout aussi rationnel que de parler de communion avec une machine à vapeur. Il n’y a que deux points de vue où l’homme puisse se comparer au reste de la nature, c’est d’abord parce qu’elle se révèle comme une force, et ensuite que cette force obéit à des lois. Mais la force qui se révèle dans les étoiles par exemple est immense, la sienne est petite ; en revanche, lui qui les considère est un agent qui se détermine par lui-même, tandis qu’il n’y a rien de tel dans les étoiles. Il n’y a donc entre ces deux termes que deux pointe de comparaison, et c’est à deux traits de contraste et non de ressemblance que la comparaison aboutit. Il est bien vrai qu’un sentiment de terreur et de silencieuse solennité se dégage du spectacle de cet amas de soleils et de mondes qui germent dans les deux comme l’herbe dans les prairies ; il est bien vrai qu’une émotion spontanée met ce sentiment en rapport avec les profondeurs de notre être moral. Mais, dans la rigueur de la logique il n’y a là qu’une impression et rien de plus. Elle ne signifie rien ; aucun fait objectif n’y correspond. C’est une illusion, une tromperie pathétique.

Ce n’est que grâce à des métaphores continuelles que les positivistes peuvent transférer à la nature en général les qualités qui, en tant qu’ils les connaissent, sont particulières à la nature humaine et n’appartiennent qu’à elle. Si l’on s’en tient à leurs principes, « il n’y a pas plus de sens à dire que l’univers est sacré qu’à dire que la lune parle français. » Toutes ces adorations par lesquelles s’achèvent les recherches des savans, si l’on en écarte la notion d’une cause intelligente, ne peuvent être que le résultat d’une fantaisie sans règle ou l’acte d’une foi surprise et momentanément hallucinée. En elle-même et prise en dehors de ce point de vue supérieur où les scandales apparens se pacifient, où les contradictions

  1. J. Tyndall, Materialism and its opponents.