Page:Revue des Deux Mondes - 1882 - tome 52.djvu/538

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

électoral se prononça dans les trois royaumes en faveur du parti libéral. L’opposition réunit 1,400,000 voix et le gouvernement 880,000 seulement, soit une majorité opposante de 520,000 voix, qui se décomposait de la manière suivante : 400,000 voix en Angleterre et dans le pays de Galles, 100,000 voix en Écosse, un peu moins de 20,000 voix en Irlande. Les conservateurs n’avaient eu la majorité que dans les comtés anglais ; ils avaient été battus dans les bourgs anglais, battus en Irlande, écrasés en Écosse. La nouvelle chambre comptait 387 libéraux contre 272 conservateurs. Au milieu de cette grande victoire du parti libéral, quelques échecs individuels. Gladstone, qui avait abandonné depuis plusieurs années l’Université d’Oxford pour se réfugier dans la circonscription sud du Lancashire, était battu aussi dans ce nouveau collège et obligé de se faire élire à Greenwich. Le marquis d’Hartington, le fils aîné du duc de Devonshire, échouait dans une autre circonscription du Lancashire et cherchait une nouvelle patrie électorale dans une petite circonscription du pays de Galles. Plus d’un vétéran du libéralisme, Milner Gibson, Rœbuck, Horsman, Bernai Osborne, restaient sur le carreau. Stuart Mill lui-même, le grand penseur, était rejeté par les électeurs de Westminster. La lutte avait donc été rude, mais la victoire n’en était peut-être que plus significative. Le corps électoral s’était prononcé en connaissance de cause, après avoir entendu le pour et le contre sur toutes les grandes questions pendantes. En donnant à Gladstone une majorité de plus de 100 voix dans la nouvelle chambre des communes, il lui donnait en même temps le mandat de réaliser les réformes qu’il avait réclamées au cours de la campagne électorale.

On avait qualifié de parlement chinois le parlement qui fut élu en 1857 pour approuver la guerre de Chine et la politique belliqueuse de lord Palmerston. De même, on aurait pu donner au parlement élu en 1868 le nom de parlement irlandais. Les questions irlandaises en effet tenaient la première place dans le programme électoral de M. Gladstone. Il ne parlait plus seulement de réformer l’organisation religieuse de l’Irlande : il avait élargi son plan. Il s’attaquait à deux autres questions non moins graves. Dans un discours prononcé à Wigan, devant les électeurs de la circonscription du sud du Lancashire, il compara l’Irlande à un voyageur gisant sous un mancenillier, et développant sa métaphore : « Les trois maîtresses branches du mancenillier irlandais, dit-il, sont l’église épiscopale, le régime de la propriété et le système d’éducation. » Tel était donc le but que se donnait le chef du parti libéral ; il voulait couper les trois branches du mancenillier, supprimer l’église épiscopale en Irlande, y réformer le régime de la propriété et le système d’éducation. La