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tâche était vaste et Gladstone l’aborda immédiatement. Disraëli, s’inclinant devant l’arrêt du corps électoral, avait donné sa démission sans attendre la réunion des chambres. Le cabinet fut vite formé. Un seul des hommes importans du parti libéral, l’éminent légiste Roundell-Palmer, refusa son concours ; il n’était pas de l’avis de Gladstone sur la question de l’église d’Irlande. Clarendon prit les affaires étrangères et Granville les colonies ; Lowe fut ministre des finances et Forster ministre de l’instruction publique avec le titre de vice-président du conseil privé. Enfin, grande nouveauté, Bright le radical, Bright le puritain, accepta la présidence du bureau de commerce. Son entrée dans le cabinet était significative : elle scellait l’alliance conclue entre le nouveau chef du parti libéral et les représentai)s du radicalisme.

Le 1er mars 1869, Gladstone présentait à la chambre des communes, comme chef du gouvernement, son projet pour la suppression de l’église officielle d’Irlande. Trois heures durant, avec une pleine possession de son sujet et une admirable lucidité de pensée et d’expression, il exposa tout son système, passant avec une aisance merveilleuse des considérations morales les plus élevées aux questions de chiffres les plus arides, expliquant point par point comment il comptait procéder pour opérer cette grande réforme, sans provoquer la moindre secousse, sans porter la plus légère atteinte aux droits acquis, et enfin quel usage il comptait faire des ressources qui deviendraient libres par suite de la sécularisation progressive des biens de l’église d’Irlande. « Cette mesure, dit-il en terminant, est importante à tous les points de vue, d’abord par les principes sur lesquels elle repose, ensuite par la multiplicité des détails arides et techniques qu’elle embrasse… Elle fait peser une lourde responsabilité sur tous ceux qui siègent dans cette chambre et particulièrement sur ceux qui occupent le banc des ministres. Nous serions coupables, nous serions condamnables si, sans conviction ou bien d’une manière imprudente et hâtive, nous avions entrepris une réforme aussi considérable… La responsabilité, toutefois, ne pèse pas uniquement sur nous, mais sur chacun de ceux qui prendront part à la discussion ou au vote. Tous sont tenus d’élever leur vue et d’élargir leur âme en présence de la grandeur de la tâche qui leur incombe. Le fonctionnement de notre constitution est en ce moment mis à l’épreuve. Je crois pouvoir dire toutefois que jamais plus grave question ne s’est posée dans des conditions d’ordre et de tranquillité plus favorables à sa solution. »

La deuxième lecture du bill fut fixée au 18 mars. Il y eut encore quatre jours de discussion, quoique le vote ne fût pas douteux. Chaque orateur important avait naturellement son mot à dire sur