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Kilkenny : là sont votés des statuts rédigés en Angleterre et apportés par Lionel pour devenir la loi de l’Irlande. Défense à tout Anglais, sous peine de haute trahison, d’épouser une Irlandaise, de prendre pour maîtresse une Irlandaise, de porter aux fonts baptismaux un enfant irlandais. Défense à tout Anglais, sous peine de confiscation de ses biens, soit de prendre un nom irlandais, soit de se servir de la langue irlandaise, soit de porter le costume irlandais. Défense de se soumettre aux lois des Brehons sous peine de haute trahison. Défense à un Irlandais de faire pâturer ses bestiaux sur des terres appartenant à un Anglais, même avec l’autorisation du propriétaire.

Les Tudors succèdent aux Plantagenets. Henri VIII abjure le catholicisme. Un nouveau ferment de haine s’élève entre l’Angleterre et l’Irlande. Ce n’était pas assez de la lutte entre deux races, de la lutte entre deux systèmes opposés de propriété : voici que commence maintenant la lutte entre deux religions. Les Anglais et les Irlandais ont un motif de plus pour se détester : ils se considèrent réciproquement comme des impies et des damnés. Plus de ménagemens, par conséquent : c’est une guerre sans merci. Henri VIII entame la lutte : les biens du clergé catholique sont confisqués ; une partie est attribuée au nouveau clergé schismatique, une partie vendue au profit du trésor royal. Elisabeth, à son tour, confisque les biens des barons qui refusent de prêter le serment de suprématie ou, en d’autres termes, qui restent fidèles à la foi catholique. Quand elle accorde des donations, elle impose aux donataires l’obligation de ne pas vendre leurs terres à des Irlandais de pure race. Jacques Ier veut améliorer la situation des fermiers par rapport aux propriétaires. Il s’y prend si bien qu’il trouble à la fois propriétaires et fermiers. Il commence par réclamer de chacun la justification de l’origine de sa propriété. Or, en Irlande, à cette époque, les propriétés les plus anciennes et les plus respectables ne reposaient que sur la coutume et la tradition. Donc pas de titres écrits ou des titres que les commissaires royaux considéraient comme irréguliers. Donc nouvelles confiscations : 800,000 arpens sont réunis au domaine royal, donnés à l’église épiscopale, vendus à des spéculateurs anglais ou écossais, qui fondent au milieu des domaines confisqués la ville protestante de Londonderry. Sous Charles Ier, l’enquête sur les titres de propriété se poursuit avec une rigueur croissante. Strafford comme vice-roi d’Irlande, trouve moyen de faire attribuer au roi une partie des comtés de Tipperary et de Limerick et plus de la moitié du Connaught. Triste cadeau, qui devait porter malheur au ministre, au monarque et à la monarchie. Un soulèvement général éclate dans l’île : cinquante mille colons anglais sont massacrés. Pour réprimer, la rébellion, il faut