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famille. D’un autre côté, elle a cessé de voir d’un œil jaloux les professeurs qui prennent des pensionnaires. Ce n’est pas assez. Comme le demandait M. Bréal il y a dix ans, chaque lycée devrait mettre son honneur à s’entourer d’une clientèle de familles honorables, sur lesquelles il pût se décharger en partie du fardeau de son internat. Il devrait les indiquer, les recommander, leur donner place sur ses prospectus, en leur imposant toutefois, comme condition de son patronage, l’acceptation de sa surveillance. Il devrait agir de la même façon avec les pensions grandes ou petites qui se grouperaient autour de lui. Les règlements actuels, non plus que les lois anciennes et nouvelles sur l’enseignement secondaire libre, ne font pas de distinction entre les pensions qui donnent elles-mêmes l’instruction et celles qui envoient leurs pensionnaires aux classes des lycées. Ces dernières pourraient sans inconvéniens être dispensées de l’obligation d’avoir des directeurs pourvus de grades universitaires, ou, comme l’exige la nouvelle loi, d’un certificat d’aptitude pédagogique ; ce serait assez de réclamer de sérieuses garanties de moralité.

Un dernier progrès est surtout nécessaire et, outre ses avantages propres, il pourrait seul assurer la réalisation de tous les autres : ce serait la séparation du lycée proprement dit et de l’internat. Cette séparation a été posée en principe dans la loi du 15 mars 1850, dont l’article 71 est ainsi conçu :

« Les établissemens publics d’instruction secondaire sont les lycées et les collèges communaux.

« Il peut y être annexé des pensionnats. »

Une disposition semblable a trouvé place dans la loi du 21 décembre 1880 sur l’enseignement secondaire des jeunes filles, qui n’accepte aussi les pensionnats que comme une annexe facultative des établissemens d’instruction. Je souhaite que le principe soit mieux respecté dans les collèges de filles qu’il ne l’a été dans les collèges de garçons. Jamais il n’en a été tenu compte dans ces derniers alors même qu’on en a créé de nouveaux, l’internat a toujours été considéré non comme l’accessoire, mais comme le principal, soit dans les plans et devis, soit dans l’organisation des divers services, soit dans la hiérarchie des fonctions administratives. Des protestations se sont plus d’une fois élevées depuis trente ans contre un état de choses aussi fâcheux en lui-même qu’il est contraire à la lettre et à l’esprit de la loi[1]. M. Bréal demande à son tour, en invoquant

  1. Nous citerons particulièrement deux articles de M. Alfred Mézières sur l’État actuel de l’Université (Revue des cours littéraires, 22 et 29 juin 1867). On nous permettra de citer aussi un article de la même Revue où nous avons traité la question des internats à propos d’une conférence de M. Renan sur la Famille et l’État (16 mai 1869).