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mère serait à la fois abaissé et compromis si elle restait dans un état d’infériorité trop sensible, pour la culture intellectuelle, vis-à-vis de son mari et de ses fils. Les familles l’avaient compris et l’initiative privée y avait pourvu avant l’intervention du législateur. La plupart des familles qui ne se contentent pas pour leurs fils de l’instruction primaire ne s’en contentent pas davantage pour leurs filles. Elles font suivre à ces dernières soit à la maison, soit dans des pensionnats ou des externats, soit dans ce qu’on appelle des cours, des études d’un ordre supérieur, ayant à peu près la même durée et, sauf le grec et le latin, comprenant les mêmes matières que l’instruction secondaire des garçons. Beaucoup même veulent, pour ces études, une constatation officielle, analogue au baccalauréat ; mais, comme l’état n’a pas institué pour les filles d’autres examens généraux que des examens primaires, cette constatation ne peut être demandée qu’aux épreuves pour le brevet d’institutrice soit du premier, soit du second degré. Des études qui ont le caractère élevé et désintéressé de l’instruction secondaire sont ainsi réduites à la préparation d’examens professionnels, qui ne sortent pas du cercle de l’instruction primaire ; Elles n’ont également d’autre garantie que de tels examens pour le recrutement du personnel enseignant, à moins que l’enseignement ne soit confié à des hommes.

C’est sur ce point qu’auraient dû porter les premières réformes. Il fallait faire pour l’instruction secondaire des filles ce qui a été fait pour l’instruction secondaire des garçons, la définir dans ses cadres généraux et lui assurer la sanction d’un examen final, également accessible aux élèves de l’enseignement libre et à celles de l’enseignement public, s’il venait à se constituer. Cette constitution d’un enseignement public pouvait être, en effet, un but ultérieur pour l’intervention de l’état. On pouvait encourager par des subventions les meilleures institutions libres ; on pouvait aussi créer, pour les filles comme pour les garçons, des lycées ou collèges destinés à suppléer à l’insuffisance de l’initiative privée et à lui servir de modèles. Cette création de lycées et de collèges pour les jeunes filles a été le seul objet que se soit proposé la loi du 21 décembre 1880. Elle ne reconnaît pour les filles que l’enseignement secondaire public. L’examen final qu’elle institue est réservé aux élèves formées dans les établissemens de l’état. Les études privées, quel que soit leur niveau, restent légalement des études primaires ; elles ne peuvent aboutir qu’à des examens primaires.

Voilà le vice capital de cette loi, qui a pris les choses à rebours en ne constituant qu’un enseignement d’état quand il fallait constituer tout d’abord, d’une manière générale, un nouvel ordre d’enseignement, sans distinguer entre les établissemens qui pourraient