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faisait des frictions générales à tous les fiévreux et surtout aux fiévreux atteints d’une maladie consomptive comme la phtisie. Combien de médecins pensent que ce traitement date de quelques années ! Et la ligature des artères à la suite des amputations, elle est bien ancienne, car Paul d’Egine en parle ; mais on l’avait complètement oubliée, et il a fallu qu’Ambroise Paré la réinventât. La torsion de ces mêmes artères, qui a été proposée il y a une dizaine d’années, est décrite tout au long dans Galien. Quant à l’inoculation de la petite vérole, elle était pratiquée au IIe siècle, comme le prouvent ces vers de l’école de Salerne :


: Pour éloigner d’un fils ce poison délétère,
: Inocule en sa veine un virus salutaire[1].


Les anciens et les Arabes au moyen âge opéraient la cataracte par la succion, que M. Laugier a cru imaginer pour la première fois, il y a une trentaine d’années.

Cette liste très écourtée des découvertes renouvelée des Grecs serait bien incomplète si nous ne signalions la trouvaille la plus importante que M. Littré ait faite au milieu des œuvres d’Hippocrate. C’est celle des fièvres rémittentes ou pseudo-continues de Grèce, dont parlent à chaque instant les auteurs hippocratiques et que les commentateurs du centre de l’Europe avaient complètement méconnues. M. Littré lui-même, dans son article Fièvre typhoïde du Dictionnaire en trente volumes, avait considéré ces fièvres comme des fièvres typhoïdes. Mais depuis ce temps nos soldats avaient été en Morée (1828). Là, nos officiers de santé militaires se virent aux prises avec un ennemi absolument nouveau ; les uns le regardèrent comme étant la fièvre typhoïde, les autres comme une entérite grave, d’autres enfin, ne regardant guère, se contentèrent de saigner à blanc, selon la méthode de Broussais. Quelques années plus tard, ces mêmes médecins passèrent en Afrique et ils se retrouvèrent en face du même ennemi ; ils saignèrent de plus en plus, et les malades moururent presque tous. Il faut arriver en 1836 pour rencontrer un médecin modeste, mais observateur éclairé et convaincu, M. Maillot, qui osa renverser toutes ces idées erronées et appeler les fièvres d’Afrique irritations cérébro-spinales intermittentes[2]. M. Littré lut ce mémoire, et ce fut une révélation pour lui. Il comprit que la pathologie d’Hippocrate n’était pas la pathologie d’un Parisien, d’un Londonien ou d’un Viennois,

  1. Traduction Meaux Saint-Marc, 2e édition, 1880.
  2. Traité des fièvres ou irritations cérébro-spinales intermittentes d’après des observations recueillies en Corse et en Afrique.