Page:Revue des Deux Mondes - 1882 - tome 52.djvu/708

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Français, une sorte de partage des dépouilles de l’Egypte ? Pour réformer les finances et les administrations, ne fallait-il pas des agens sûrs ? N’était-ce même pas là, en plein Orient, en plein islamisme, la principale difficulté de toute réforme, et ces agens probes et capables, où les trouver, si ce n’est parmi les Européens ? et comment les attirer ou les garder, si ce n’est en les dédommageant largement ? Il est clair que, de ce côté, le contrôle a dû se faire beaucoup d’ennemis, mais moins sans doute parmi les fellahs et les contribuables que parmi les anciens collecteurs ou fermiers des taxes, parmi les agioteurs et spéculateurs chrétiens, juifs ou musulmans.

En dehors des défauts inhérens à son institution, le contrôle anglo-français a donné lieu à des griefs qui ont plus ou moins directement contribué à la formation et à l’insurrection du prétendu parti national. Nous voulons parler de l’attitude des contrôleurs en face de l’armée et en face de l’assemblée des notables.

Par situation, pour alléger les finances égyptiennes, et non moins peut-être pour parer à certaines éventualités, les contrôleurs ont cherché à diminuer l’effectif de l’inutile armée égyptienne. Naturellement, un tel projet ne pouvait être populaire près des colonels. Les faits ont montré que l’Europe et l’Egypte n’avaient qu’à gagner à la réduction de cette armée, moins propre à conquérir le Soudan ou à battre les Abyssiniens qu’à faire des pronunciamientos politiques. Si l’Europe veut établir au Caire un ordre de choses durable, elle sera obligée de suivre sur ce point les vues des contrôleurs. Le tort de ces derniers a été de laisser transpirer des projets que l’hésitation de leurs gouvernemens ne leur permettait pas d’imposer. En pareil cas, si l’on ne peut recommander les procédés de Mahmoud avec les janissaires ou de Méhémet-Ali avec les mamelouks, il faut se garder de parler lorsqu’on ne peut agir.

Quant à la chambre des notables, il était difficile qu’elle n’excitât pas les suspicions du contrôle, tant par les intrigues d’où elle était sortie que par les droits qu’on revendiquait pour elle. Qu’étaient les parrains égyptiens du système constitutionnel ? C’étaient, on le sait, les colonels, et ils ont montré que, dans la chambre du Caire, leur épée pesait plus que les plus beaux discours. Ce n’était pas la première fois du reste que l’Egypte s’essayait au parlementarisme ; son initiateur en pareille matière avait été Ismaïl lui-même. L’ex-khédive avait le premier enseigné à Arabi l’art de se dissimuler derrière une assemblée.

Les Orientaux les plus attachés au Coran savent, à l’occasion, faire des emprunts à l’Europe. Les pachas en imitent les lois et les assemblées, comme ils en ont imité le costume ou les modes. Ils se taillent une constitution comme ils ont substitué le fez au turban et la banale stambouline au pittoresque accoutrement de leurs ancêtres. Au fond,