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chambres qui font les dettes, et que c’est toujours le pays qui est obligé de les payer, qui souffre de toutes les fautes dans ses intérêts, dans sa sécurité, quelquefois dans sa considération et dans son crédit devant le monde.

Assurément il fallait bien s’y attendre. A voir particulièrement le rôle que le ministère a fait depuis quelques mois à la France dans ces graves affaires orientales et européennes qui occupent de plus en plus le monde, on pouvait bien pressentir qu’une crise était inévitable, La seule question était de savoir si cette crise serait immédiate ou si on réussirait à l’éluder pour le moment, à l’ajourner jusqu’après les vacances parlementaires. Tout s’est précipité au dernier instant et ce vote d’hier, qui a mis un terme à de pénibles incertitudes, n’est à vrai dire que le dénoûment des discussions qui se sont succédé depuis quelques jours, qui ont préparé la déroute définitive du ministères Cette question de la politique française en Égypte, ou plutôt de la politique extérieure tout entière, a été agitée en effet il y a quelques jours devant le sénat à propos des premiers crédits demandés par le gouvernement ; elle a été l’objet d’une éloquente et vive controverse entra M. le duc de Broglie, M. Waddington, M. le président du conseil et le rapporteur de la commission, M. Scherer, qui, parlant au nom d’une majorité républicaine, n’a pas été le moins dur pour le ministère. Elle est revenue plus d’une fois par saccades, par soubresauts dans la chambre des députés. Ces discussions françaises ont été elles-mêmes éclairées ou complétées par les débats du parlement anglais, par les révélations diplomatiques comme par la marche des événemens. Tout a été mis au jour, ce qui n’a pas été dit a pu être entrevu. L’instruction a été aussi complète qu’elle pouvait l’être, et la vérité, telle qu’elle se dégage de tous les faits, de toutes les manifestations, c’est que, par ses indécisions, par ses faiblesses, M. le président du conseil s’était mis évidemment dans une position où il ne pouvait plus diriger avec autorité la politique de la France. A prendre ses déclarations mêmes, à interroger ses actes, on est toujours réduit à se demander ce qu’il a voulu, ce qu’il s’est proposé. Depuis sa rentrée aux affaires, il semble n’avoir eu d’autre préoccupation que de battre en retraite devant les événemens ou, si l’on veut, de s’établir dans une sorte de politique mixte qui consiste à ne s’engager qu’à demi, à ne se retirer qu’à demi et le seul résultat apparent de ce système est d’avoir créé une situation où il serait maintenant aussi difficile pour la France de se replier dans une abstention complète que de s’associer à une action sérieuse et décisive. S’abstenir après avoir déclaré si haut que la France a une position privilégiée, une prépondérance légitime à sauvegarder aux bords du Nil, c’est une humiliante abdication ; accepter le rôle actif d’une puissance indépendante dans une campagne égyptienne, même d’accord avec l’Angleterre, ce serait courir une terrible aventure, au