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SOUVENIRS LITTÉRAIRES



TREIZIÈME PARTIE[1].


XXV. — LUI ET ELLE.

Je n’ai vu Alfred de Musset que deux fois. De tous les hommes célèbres dont j’ai été le contemporain, c’est celui que j’aurais le plus aimé à connaître ; mais le hasard ne nous mit pas en rapport et je n’eus avec lui que deux contacts qui sont restés présens à ma mémoire. La première fois que je l’aperçus, c’était dans une réunion provoquée en son honneur dans une maison où le monde officiel, les artistes et les écrivains se rencontraient. Alfred de Musset y était patronné, si je ne me trompe, par Hippolyte Fortoul, alors ministre de l’instruction publique. On avait donné quelque solennité à cette soirée. Musset y devait lire le Songe d’Auguste, pendant que Gounod, assis au piano, jouerait une symphonie destinée à accompagner les vers du poète. Ce fut assez triste ; on entendait une poésie de commande, et les « murmures approbateurs » étaient de ceux que les gens bien élevés ne refusent pas. Les vers étaient d’Alfred de Musset, nous le savions ; ils eussent été de Ponsard, on n’en aurait pas été surpris. Il reçut les complimens d’un air contraint ; il était mal à l’aise et en méfiance. Le milieu le troublait ; à côté de quelques-uns de ses confrères de l’Académie française, il y avait

  1. Voyez la Revue des 1er  juin, 1er  Juillet, 1er  août, 1er  septembre, 1er  octobre, 1er  novembre, 1er  décembre 1881,15 janvier, 15 avril, 15 mai, 15 juin et 15 juillet 1882.