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certains grands seigneurs libéraux, le duc de Westminster, lord Roseberry. La victoire de l’opposition fut complète. La précédente chambre comprenait 351 conservateurs, 250 libéraux, 51 autonomistes irlandais. Dans la nouvelle chambre la proportion se trouva exactement renversée. Les libéraux avaient 399 voix, les conservateurs 241 seulement ; les home rulers en avaient 60. Lord Beaconsfield, comme il l’avait fait en 1869, comme Gladstone l’avait fait à son tour en 1874, donna sa démission sans attendre la réunion du nouveau parlement. La reine fît appeler lord Hartington, le leader du parti libéral dans la. chambre des communes, puis lord Granville, leader du parti dans la chambre des lords. Tous deux déclinèrent la mission de former un cabinet. Par sa double campagne en Écosse et en Angleterre M. Gladstone avait reconquis la prééminence dans son parti. Il était le premier ministre désigné ; Lord Granville et lord Hartington étaient tout prêts à servir sous ses ordres : l’un fut ministre des affaires étrangères, l’autre ministre de l’Inde. Les radicaux eurent une part beaucoup plus considérable que dans le cabinet de 1869. Bright fut chancelier du duché de Lancastre, c’est-à-dire ministre sans portefeuille ; Forster prit le poste difficile et dangereux de secrétaire en chef pour l’Irlande ; la présidence du bureau de commerce fut donnée à un nouveau venu, dans la politique, M. Chamberlain, député de Birmingham comme Bright et encore plus prononcé que lui dans le sens démocratique. Sir Charles Dilke, un peu revenu de ses illusions sur l’avenir de la république en Angleterre, accepta le poste de sous-secrétaire d’état des affaires étrangères. Le talent de ce jeune orateur, sa réputation grandissante, son influence sur les libéraux avancés semblaient le désigner pour une place dans le cabinet. Si le poste relativement secondaire de sous-secrétaire d’état aux affaires étrangères lui fut offert et fut accepté par lui, ce fut sans doute à raison de ses relations d’intimité avec un homme d’état dans lequel les politiques anglais, et particulièrement M. Gladstone, voyaient alors le chef futur du gouvernement de la France. En prévision de l’arrivée prochaine de M. Gambetta aux affaires, Dilke, au foreign office, pouvait, croyait-on, rendre plus de services à son pays, à son parti, à lui-même, que s’il avait siégé dans le cabinet comme ministre des colonies, par exemple, ou même de l’intérieur. Gladstone, revenant à une pratique depuis longtemps abandonnée, cumula, le ministère des finances avec la présidence du cabinet. Il choisit pour grand chancelier lord Selborne (sir Roundell Palmer), le jurisconsulte le plus éminent du partie libéral. Il mit à la guerre un administrateur attentif et laborieux, M. Childers ; à la marine, lord Northbrook, ancien vice-roi des Indes ; au sceau privé le duc d’Argyll, chef du clan écossais des Campbells ; à l’intérieur sir William Harcourt,