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Angleterre. On pouvait donc très légalement fonder une ligue pour obtenir en faveur des tenanciers une réduction des fermages, comme on avait fondé autrefois une ligue pour obtenir une réduction des droits d’entrée sur les céréales. Au moment où se tint la réunion d’Irishtown, M. Parnell était à Londres, retenu par les travaux du parlement. Il profita, de cette circonstance pour se donner le temps de réfléchir. Il voulait se rendre compte de la valeur de l’idée et de ses chances d’avenir. Il ne se prononça qu’après son retour en Irlande. Dans un meeting tenu à Dublin, il donna son adhésion ; il entraîna avec lui la plupart des députés irlandais. Il devint président de la ligue agraire : Davitt continua d’en être l’homme d’action, organisant les comités et les réunions, recueillant des souscriptions, allant chercher des adhésions et des concours en Amérique. Là des ovations lui furent faites dans toutes les grandes villes, où les émigrés irlandais forment une partie considérable de la population. À San-Francisco, le conseil municipal, avec le maire à sa tête, vint le recevoir solennellement. Par suite de l’adhésion de Parnell et des parnellistes, l’alliance était conclue entre le home rule et la land league, entre l’agitation politique et l’agitation sociale, entre l’opposition bourgeoise et l’opposition démocratique.

La ligue agraire et le parti du home rule demandaient qu’en attendant une nouvelle loi sur tes relations entre propriétaires et fermiers, les poursuites pour cause de non-paiement des fermages fussent suspendues. M. Gladstone crut devoir faire cette concession. Immédiatement après la formation de son nouveau ministère, il présenta un projet de loi qualifié de compensation for disturbance bill et fondé sur les principes suivans : Toute demande d’expulsion introduite avant cette loi contre un fermier dont la redevance était de moins de 30 livres devait être suspendue, pourvu qu’il fût établi : 1o que le non-paiement des fermages provenait d’une impossibilité matérielle causée par la détresse générale ; 2o que le fermier était disposé à prendre des arrangemens justes et raisonnables ; 3o que le propriétaire refusait d’accepter les offres du fermier sans faire de son côté des propositions acceptables. La loi fut votée par les communes, mais repoussée par la chambre haute à une forte majorité. Cette réforme avortée eut les plus déplorables conséquences. Ayant présenté en faveur des fermiers un projet que les lords avaient repoussé, le gouvernement devenait plus ou moins l’allié de la ligue agraire et du home rule ; il se trouvait associé dans une certaine mesure à leur hostilité contre la chambre haute et contre les grands propriétaires dont l’influence avait entraîné la majorité de cette chambre. C’était une chance exceptionnellement favorable pour les chefs de l’agitation agraire. Ils ne manquèrent pas