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au zèle peu éclairé des fidèles et au mauvais goût des curés. Elle reste comme elle était quand elle fut consacrée au XIIe siècle, avec quelques injures du temps qui ne la déparent pas. Elle conserve intacts son ciborium orné de colonnes légères, son ambon de marbre tout à fait semblable à celui de Saint-Clément de Rome, et sur les dalles brisées des vieilles tombes qui ont servi à raccommoder son pavé on lit encore des inscriptions qui remontent aux premiers siècles du christianisme. A la renaissance, Corneto faisait encore quelque figure. Une famille riche et amie des arts, comme il y en avait tant alors, les Vitelleschi, y fit bâtir un palais magnifique, sur le modèle de ceux de Florence et qui les égale en beauté et en grandeur. Il a, comme eux, des apparences de forteresse dans la partie inférieure, tandis que l’élégance domine dans ses étages plus élevés, en sorte que la force et la grâce s’y mêlent de la façon la plus imprévue. Notre surprise est grande quand nous parcourons Corneto, de trouver dans une petite ville sans commerce, sans industrie, isolée sur un rocher au milieu d’un désert, une église comme Saint-Clément et un palais qui, par ses proportions et son architecture, rappelle les plus beaux de Florence. Mais nous sommes en Italie, où les surprises de ce genre ne sont pas rares. Ailleurs, l’art semble s’être réservé pour les capitales ; dans ce pays privilégié, il s’est développé avec tant de vigueur, il a coulé avec une telle abondance qu’il lui est arrivé de déborder pour ainsi dire jusque sur les villages.

Mais ce n’est pas le moyen âge ou la renaissance qu’on vient étudier à Corneto : on les trouve ailleurs représentés par des monumens plus beaux encore et plus nombreux. Ici nous ne cherchons que les Étrusques. Il faut donc nous contenter d’un regard rapide jeté sur Santa-Maria in Castello et sur le palais Vitelleschi, et nous empresser d’aller voir ce qui reste de ce vieux peuple disparu.

Notre attente ne sera pas trompée et nous pourrons pleinement nous satisfaire. Corneto donne aux autres villes de l’Italie un bon exemple par le soin pieux qu’elle prend de ses antiquités. Elle est très fière de son passé ; et non-seulement elle a ajouté le vieux nom de Tarquinies au sien (Corneto-Tarquinia), ce qui n’est qu’une satisfaction de vanité qui ne lui coûtait guère, mais elle s’impose de grandes dépenses pour bien loger ses richesses et pour les accroître. Ces dépenses sont faites par la ville et par une, société locale, l’Universita agraria, qui en a pris généreusement la moitié à sa charge. Le syndic, M. Luigi Dasti, est un homme éclairé qui aime beaucoup sa petite ville et soutient le zèle de tout le monde. Grâce à lui, depuis dix ans, les fouilles ont pu se poursuivre sans relâche, quoique le