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raison que, parmi les monumens qui nous restent de l’Étrurie, ceux qui semblent les plus anciens ne contiennent aucune représentation mythologique. Non-seulement on n’y voit pas de scènes empruntées aux légendes grecques, mais les dieux étrusques eux-mêmes n’y figurent jamais ; il n’y est question que du mort, de ses plaisirs, de ses honneurs, des festins, des danses dont on veut lui donner le spectacle, des jeux qu’on célèbre à ses funérailles. La conclusion qu’il semble légitime d’en tirer, c’est que les Étrusques étaient alors moins superstitieux qu’ils ne le sont devenus plus tard. Pour les peuples, comme pour les individus, il arrive souvent que l’âge affaiblit les croyances ; l’âge, au contraire, rendit les Étrusques plus dévots. La Grèce leur communiqua bientôt toutes ses fables, et ils les acceptèrent avec un remarquable empressement. Il y a à Corneto une tombe très importante qui nous fait assister pour ainsi dire à cet envahissement de la mythologie grecque. Comme elle contient une peinture du Tartare, on lui donné le nom de tomba del Orco. Il est aisé de voir qu’elle n’a pas été décorée tout entière par le même artiste et l’on y sent des époques et des mains différentes. Nous y trouvons d’abord, à l’entrée, une de ces représentations de festin, dont j’ai déjà tant parlé, et qui sont si communes dans les sépultures de l’Étrurie. Elle est traitée à la façon ordinaire des peintres du pays : les personnages sont des portraits, la scène est empreinte d’un grand caractère de vérité naïve. Tout d’un coup, le système change et nous entrons dans un cycle de sujets nouveaux. Les artistes se mettent à représenter des légendes grecques et ils les interprètent avec les procédés familiers à l’art grec. C’est Pluton assis sur son trône et Proserpine debout à son côté. L’attitude du roi des enfers est pleine de majesté. Il tend la main vers un guerrier à trois têtes, placé en face de lui, comme pour lui donner des ordres. Ce guerrier, couvert d’une armure de chevalier, est Géryon, le fils de la Terre, le géant révolté contre Jupiter, qui est devenu, en punition de son insolence, l’un des serviteurs de Pluton. Un peu plus loin, un vieillard vénérable, la tête couverte d’un manteau, s’appuie sur un bâton. Ses yeux sont fermés, il se penche comme pour écouter quelqu’un qui l’interroge ; un air de mélancolie est répandu sur ses traits. Nous n’avons pas besoin de lire l’inscription qui le désigne pour reconnaître Tirésias, le devin aveugle. En face du vieillard et comme pour. faire contraste avec lui, Memnon, le beau Memnon, comme l’appelle Homère, dans une attitude élégante et molle, couvert d’un costume somptueux, personnifie les héros de l’Asie. Entre Memnon et Tirésias s’élève un grand arbre sur les branches duquel grimpent une foule de petits êtres étranges qui ressemblent à des hommes. Ce sont