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dont la publication a été achevée après lui, n’a fait qu’ajouter quelques hypothèses de plus à celles qu’on avait déjà hasardées. Quelque mortifiant que soit cet aveu, il faut reconnaître que la science a été cette fois vaincue. Nous devons donc nous résigner à ignorer et attendre que quelque découverte nouvelle permette à nos philologues de tenter la fortune dans de meilleures conditions.

Les inscriptions restant indéchiffrables, nous n’avons d’autre moyen pour pénétrer dans ce monde inconnu que d’étudier les seuls monumens qu’il nous ait laissés, c’est-à-dire les tombes avec le mobilier qui les garnit et les fresques qui les décorent. Mais ces tombes ne pourront nous être de quelque utilité que si nous parvenons à en fixer l’âge. Tant qu’on n’aura pas établi entre elles une sorte de chronologie et distingué les anciennes des plus récentes, on n’en pourra rien conclure pour l’histoire du développement et des progrès du peuple qui les a bâties. Par malheur, ce travail qui est indispensable, est aussi très délicat. Les monumens de l’Étrurie étant presque toujours imités de l’étranger, c’est en les comparant à ceux de l’Egypte, de l’Assyrie, de la Grèce qu’on peut espérer de trouver à quelle époque et à quelle école ils appartiennent. Il faut donc que ceux qui entreprennent de faire ces comparaisons aient dans l’esprit et devant les yeux toutes les œuvres antiques. Ajoutez que le rapport entre l’original et la copie est d’ordinaire assez difficile à saisir. C’est souvent un détail insignifiant en apparence, l’arrangement d’une toilette, l’ornementation d’un meuble, un trait, une ligne dans la figure ou le costume, qui font deviner l’imitation et retrouver le modèle. L’entreprise était donc fort difficile ; elle exigeait une critique très perspicace et des connaissances infinies. Je crois pourtant qu’on peut dire qu’elle a presque entièrement réussi.

Il est vrai que, parmi ces tombes, les plus anciennes se distinguent aisément. Là, l’erreur n’est pas possible, et l’antiquité se trahit à des signes certains. Précisément, cette année même, les fouilles de Corneto en ont mis au jour un très grand nombre qui remontent à une époque fort reculée. Elles se composent toutes d’un trou rond d’un mètre et demi de large et de deux ou trois mètres de profondeur. Au fond de cette sorte de puits est déposée l’urne qui contient les cendres du défunt. Elle repose directement sur le sol, dans les sépultures ordinaires ; on l’a quelquefois enfermée dans une sorte de récipient rond ou carré, pour la mieux protéger[1]. Autour de

  1. On a eu l’heureuse idée, au Museo civico, qu’on vient d’installer à Bologne, sous la direction intelligente de M. Gonzaddini, de placer quelques-unes de ces tombes avec tous les objets qu’elles contiennent. C’est une exhibition très curieuse et fort instructive.