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à chaque pas l’Autriche sur son chemin, tantôt ressaisie par le désir de se rapprocher de l’Allemagne, de renouer l’alliance des trois empereurs. L’Italie à son tour essaie de se glisser entre tous ces empires ; elle est à la recherche d’une position diplomatique, elle brigue des rôles qui lui échappent sans cesse. Malheureusement les entrevues du roi Humbert avec le souverain de l’Autriche ne sont pas pour le moment aussi faciles à négocier et à préparer que les entrevues des deux empereurs à Ischl ou à Gastein. Il survient toujours quelque difficulté, quelque incident malencontreux, comme cet attentat « irrédentiste » qui est venu ces jours derniers attrister l’inauguration de l’exposition de Trieste, troubler les fêtes par lesquelles on célèbre l’anniversaire de l’annexion de la ville de l’Adriatique à l’empire autrichien. Les « irrédentistes » ont joué déjà plus d’un mauvais tour au gouvernement de Rome. Ce n’est point sans doute que le cabinet du Quirinal puisse être responsable de ce que font ces étranges patriotes, des bombes meurtrières jetées dans la foule à Trieste. Il n’y a toujours pas de quoi faciliter la visite si souvent annoncée de l’empereur François-Joseph au-delà des Alpes et l’entrée définitive de l’Italie dans l’alliance austro-allemande.

La pire des politiques pour l’Italie serait de s’engager sans détour dans une voie de diplomatie où elle a trouvé déjà plus d’une déception et de sacrifier à un rêve ses alliances les plus naturelles, les plus anciennes. Qu’elle se préoccupe toujours pour sa sûreté de garder des rapports de bienveillance mutuelle avec l’Allemagne et avec l’Autriche, rien certes de plus simple ; mais il est bien clair que la nature des choses devrait la porter d’habitude vers l’Angleterre et la France. Ce n’est malheureusement pas ce qui existe à l’heure qu’il est, et il est toujours assez difficile de distinguer où en sont tout particulièrement les relations de l’Italie et de la France. Ces relations sont visiblement assez peu intimes puisqu’il n’y a encore aujourd’hui ni un ambassadeur de France auprès du Quirinal ni un ambassadeur du roi Humbert à Paris. La question est de savoir si, entre deux pays unis par tant de liens, des incidens, des susceptibilités, des froissemens peuvent l’emporter indéfiniment sur les intérêts les plus sérieux. C’est là ce que ne peuvent admettre tous ceux qui réfléchissent des deux côtés des Alpes. Qu’il y ait eu depuis quelques années en Italie des dispositions peu amicales pour la France, des mouvemens de mauvaise humeur qui n’étaient ni justifiés, ni bien habiles, des manifestations déplacées contre une ancienne alliée, oui, sans doute. Mais assurément pour tous ceux qui ont le sentiment des intérêts, des rapports naturels des deux pays il y a autre chose à faire qu’à perpétuer les animosités, à se prêter à des polémiques internationales sans fin.

Le danger de ces polémiques, c’est d’être nécessairement