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de santé, les conditions locales, mainte autre circonstance dont l’imposition directe ne tient aucun compte, établissent entre des personnes, avec un revenu égal, de grandes différences de situation, de même que peut varier beaucoup le revenu net des personnes placées dans une égale position de fortune. Tous ces inconvéniens des contributions directes, en opposition avec les mérites attribués aux taxes indirectes, ont éié exposés par le chancelier allemand en personne dans un mémoire soumis au Reichstag pour expliquer la réforme fiscale à l’ordre du jour, et pour démontrer l’urgence d’un plus grand développement des impôts indirects.

Un dégrèvement des contributions directes, devenues excessives avec les charges additionnelles, est certainement fort à désirer et justifie dans une certaine mesure l’augmentaiion des taxes indirectes. Pourtant n’est-on pas en droit d’objecter aux hommes d’état qui convoitent les plus-values du budget de la France, que les impôts indirects, malgré leur élasticité, n’assurent au fisc un rendement croissant qu’à la condiiion de ne pas être exagérés outre mesure ? Le budget français, si séduisant pendant ces dernières années, loin de continuer à donner les mêmes excédens, frise le déficit de près, comme vient de nous le faire voir ici même un des maîtres de la science des finances[1], M. Paul Leroy-Beaulieu, à propos du projet pour l’exercice de 1883. Mieux que des impôts ingénieux, une saine économie assure à un pays des finances prospères. En ce qui concerne l’Allemagne, il est de fait que les taxes prélevées pour l’alimentation du budget par voie d’impôts indirects y atteignent une proportion de beaucoup moins élevée que dans les autres grands états de l’Europe ou de l’Amérique. Cela ressort en pleine évidence du tableau suivant, où nous avons placé en regard du produit total des taxes indirectes, — droits de douane, impôts de consommation et timbre, — le rendement moyen de ces taxes par tête d’habitant dans les principaux états du monde civilisé, comparés à l’empire allemand :

  Rendement des impôts indirects. Par habitant.
France   1.975 millions.        52 francs.
Angleterre   1.363 "   37 "
États-Unis d’Amérique      1.894 "   33 "
Italie   596 "   21 "
Autriche   457 "   20 "
Russie   1.506 "   18 "
Allemagne   584 "   13 "
  1. Voyez, dans la Revue du 1er avril 1882, l’étude de M. Paul Leroy-Beaulieu sur la Situation financière de la France et le budget de 1883.