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après avoir été sur le point d’être engagée avec la France, se sentait trop heureuse d’être déliée par les événemens, qui restait bienveillante et embarrassée, pleine de velléités et de réserves. Le nouveau chancelier d’Autriche, M. de Beust, soutenu ou contenu par le chef du cabinet hongrois, le comte Andrassy, qui avait des inclinations prussiennes, M. de Beust se tirait d’embarras en homme d’esprit, avec des démonstrations aimables et évasives. Il ne demandait pas mieux que de se prêter à tout ce qui serait tenté en Europe pour la France; mais il prétendait qu’il n’y avait plus d’Europe! — A Florence enfin, à Florence, où il y avait eu un moment quelque lueur, quelque « faible espérance de secours, et où il avait hâte d’arriver, » M. Thiers essayait d’échauffer l’intérêt qu’on lui témoignait, d’exciter les Italiens à un grand rôle. Appelé par le roi à un conseil extraordinaire de ministres et de militaires, il montrait avec son entraînante vivacité, le doigt sur la carte, que l’Italie, désormais en sûreté du côté de l’Autriche, pouvait changer la face des choses en franchissant les Alpes avec son armée, en se portant par Lyon vers la Saône et la région de l’Est. Le roi Victor-Emmanuel ne laissait pas de se sentir remué dans sa fibre de soldat et de vieil allié de la France. Les militaires ne paraissaient pas défavorables. Les ministres craignaient de compromettre l’Italie avec la Prusse et ne voulaient pas aller au-delà de l’appui moral dans une action des neutres. La politique évasive et platonique l’emportait à Florence comme partout.

La campagne d’exploration diplomatique était complète. M. Thiers avait quitté Paris le 12 septembre, à la veille de l’investissement, il revenait le 21 octobre à Tours, où s’agitait une délégation livrée à elle-même, fortifiée par la récente arrivée de M. Gambetta. Il avait passé ces quarante jours sur les chemins de l’Europe, frappant à toutes les portes, mettant tout son dévoûment, son esprit et sa passion patriotique à populariser la cause française, accréditant de son mieux un gouvernement nouveau que son origine et son nom rendaient suspect, qu’il représentait comme un pouvoir de circonstance et de nécessité. Il avait trouvé partout des impressions confuses, de la défiance pour la république, de l’intérêt pour la France, des sympathies pour ses malheurs, — nulle part il n’avait entrevu une chance quelconque d’alliance, ni même une velléité de médiation sérieuse. De ce long et pénible voyage tout ce qu’il avait rapporté se réduisait à un conseil pressant de négocier, accompagné de la promesse d’un certain appui moral pour arriver à un armistice qui permettait l’élection d’une assemblée, la reconstitution d’un gouvernement régulier et pourrait être un acheminement à la paix. Avant son départ de Saint-Pétersbourg, il avait été convenu entre lui et le prince Gortchakof qu’au premier avis, le tsar lui ouvrirait les portes de Versailles et lui faciliterait même l’entrée à Paris pour